Qu'attendent les acteurs de la culture de la toute nouvelle métropole du Grand Paris ? Nous leur avons tendu le micro avec nos nouveaux amis de La Fabrique culturelle, site qui décrypte les coulisses de la création.
« Tout est à inventer parce que peu de choses ont été dites ou écrites », Frédéric Hocquard, directeur d’Arcadi (organisme culturel de la région Île-de-France), exprime en quelques mots le sentiment général des professionnels du spectacle vivant quant à la métropole du Grand Paris. De fait, pour l’instant, cette dernière se résume surtout à une carte regroupant la ville de Paris, les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ainsi que sept communes de la grande couronne. Il faut en réalité observer les initiatives n’ayant pas attendu le coup d’envoi officiel pour se préfigurer ce que pourra être le Grand Paris de demain.
Un nouveau terrain de jeux
Les réseaux de transports franciliens représentent un enjeu clé dans l’aménagement de l’espace du Grand Paris. Les récents aménagements des lignes de métro et de RER, le projet du Grand Paris Express et la mise en place d’un service de covoiturage – Sharette – permettront un meilleur accès aux équipements culturels. Ils faciliteront également la circulation des publics. Le Grand Paris Express prévoit le prolongement de deux lignes de métro (la 14 et la 11), la création de quatre autres ainsi que 72 nouvelles gares. Ces évolutions doivent cependant être accompagnées d’un véritable travail d’élargissement des publics, comme le soulignent Pascale Henrot, directrice de l’Office national de diffusion artistique, et Frédéric Hocquart.
Vers une meilleure visibilité de la culture en banlieue ?
La question du public n’est pas la seule quand il s’agit d’évoquer la visibilité des espaces du spectacle vivant. Représentants des réseaux Actes If et du Rif, Franck Michaut et Chloé Sécher nous expliquent : « La métropole du Grand Paris peut rendre plus poreuse la frontière du périphérique, pour les publics, mais aussi pour les producteurs. Les bassins de population sont tellement denses en Île-de-France que le fait d’encourager les Parisiens à aller dans les lieux culturels de banlieue n’est pas forcément l’enjeu prioritaire ! Mais pour les producteurs étrangers par exemple, la banlieue a eu tendance à devenir un peu invisible ces dernières années. »
Pour l’instant, une des seules propositions concrètes, élaborée par un groupe de travail autour du Grand Paris, concerne la labellisation de lieux à l’échelle métropolitaine. Une suggestion qui laisse perplexe François Beaudenon, directeur de la salle Paul B, à Massy. « Ce que je redoute, c’est qu’à chaque fois qu’il y a labellisation, ça ne profite qu’à certains gros équipements, alors qu’il y a de nombreux petits acteurs intéressants et importants pour la vitalité du secteur. ».
Mieux structurer les réseaux et les échanges
Si la métropole du Grand Paris constitue à l’heure actuelle une couche administrative supplémentaire dans l’espace francilien, elle pourrait, à terme, permettre de mieux structurer les réseaux et les échanges à tout point de vue pour le secteur culturel. Pour Frédéric Hocquart, la question centrale reste : « Va-t-il y avoir du mieux sur les questions de coopération territoriale entre les acteurs publics, les lieux, artistes, bibliothèques, médiathèques, cinémas, et tout ce qui relève de la culture ? ». Actes If et le Rif vont même plus loin : « Il est urgent de penser la complémentarité et l’articulation des différentes politiques culturelles sur le territoire francilien. D’autant que, dans le cadre de cette réforme territoriale, la compétence culturelle est affirmée comme compétence partagée. Il y est précisé qu’il s’agît d’une responsabilité conjointe qui doit être portée par l’ensemble des collectivités publiques dans le respect des droits culturels. C’est pourquoi, afin que ceci soit respecté, nous demandons la création d’instances de coopération associant les collectivités publiques, l’État, les citoyens, les représentants de la société civile, les professionnels pour travailler sur la mise en œuvre de politiques culturelles cohérentes. »
Idylle de France
Finalement, comme l’ont soulignés tous les professionnels sollicités ici, le secteur avance déjà de manière autonome dans le sens d’un Grand Paris, et ce depuis plusieurs années. Reste à savoir si la mise en place de la métropole permettra d’accélérer le mouvement ou si, au contraire, elle ne sera qu’un frein de plus aux initiatives.
26 janvier 2016