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Quand Doisneau aidait et photographiait la Résistance

Le musée de la Résistance nationale à Champigny consacré une exposition aux clichés de Robert Doisneau durant  l'occupation allemande pendant la Seconde guerre mondiale / © Robert Doisneau
Le musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne consacre une exposition aux clichés de Robert Doisneau durant l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale / © Robert Doisneau

Jusqu'au 28 avril, le musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne consacre une exposition à l'engagement du photographe Robert Doisneau auprès de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. À voir absolument.

Saviez-vous que Robert Doisneau sauva la vie d’un certain Serge Dobkowski durant l’Occupation ? Pourchassé par l’armée allemande, ce dernier frappa un soir à la porte du futur célèbre photographe, alors faussaire et habitant de Montrouge (Hauts-de-Seine). Robert Doisneau le fit rentrer et, devant l’urgence de la situation, lui (re)fit le portrait qu’il accrocha directement sur sa propre carte d’identité. Grâce à ces faux papiers, l’homme put s’enfuir et survivre. Les deux hommes se retrouveront après la guerre. 

Une histoire racontée au sein de l’exposition « Doisneau, l’esprit de Résistance » au musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Si le photographe mondialement connu n’aimait pas qu’on le qualifie de résistant – ses filles en témoignent dans l’un des films projetés dans le musée –, l’artiste contribua néanmoins à protéger de nombreuses personnes persécutées et témoigna, en photos, du quotidien des Français pendant la guerre.

Coup de pouce du destin

Il faut parfois remercier le destin : Robert Doisneau, diplômé en gravure-lithographie à l’école Estienne en 1929, devient photographe pour les usines Renault à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Ses retards répétés lui valent d’être congédié, ce qui le lance dans l’activité de photographe indépendant. La première salle de l’exposition se place au sortir de la guerre. Elle présente l’hommage rendu par Robert Doisneau aux imprimeurs clandestins en 1945, une commande de la revue Le Point. Fort de ses liens avec les imprimeurs engagés dans la Résistance, l’homme accepte et met en scène des reconstitutions de la vie quotidienne de ces travailleurs de l’ombre. On découvre ainsi quelques figures de l’imprimerie clandestine de l’époque comme Paul Harambat, mais aussi, comme dans un roman-photo, le parcours d’un imprimé clandestin à travers plusieurs clichés illustrant ce travail.

On retient particulièrement la mise en scène de cette femme en train de relier un imprimé dans une cuisine ou la photo du cycliste lanceur de tract rue Henry-Monnier (9e) au milieu d’une nuée d’imprimés volant dans la rue. Une deuxième salle fait découvrir aux plus jeunes les techniques photographiques argentiques et l’appareil cher à Robert Doisneau : le Rolleiflex, soit un objet qu’on porte au niveau du thorax, un positionnement bien pratique pour le photographe qui met ainsi davantage à l’aise ses sujets en ne se cachant pas derrière l’appareil. On apprend aussi à travers le témoignage audio de l’une de ses filles que Robert Doisneau utilise la salle de bains familiale pour développer ses tirages.

Le musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris
Le musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris

Le refus des étiquettes et des honneurs

La dernière salle est certainement la plus touchante. Des clichés de familles installées dans les couloirs de la station Lamarck-Caulaincourt pendant des bombardements, un épicier pesant une microscopique ration de beurre (1943-1944), une communiante dans un abri de la défense passive en 1943, une vérification d’identité par la police en 1944… Outre ses activités de faussaire, Doisneau déambule dans les rues de Paris et de sa banlieue afin de témoigner de la réalité quotidienne durant l’Occupation. Le photographe fait partie des rares professionnels autorisés par la Résistance à immortaliser la Libération de Paris. On découvre ces jeunes Parisiens formant une chaîne humaine à Ménilmontant, portant les pavés qui deviendront barricades. Ils sourient au photographe, certainement heureux de faire partie de ce moment d’Histoire. On remarque d’ailleurs que jamais Robert Doisneau n’immortalise des faits de violence, préférant déjà l’espoir et l’allégresse à la gravité.

L’exposition se termine par la reconnaissance de Doisneau par le milieu artistique et culturel. On y découvre que l’écrivain Blaise Cendrars est le premier à déceler dans les photographies de banlieue de Robert Doisneau le génie de ses clichés, jusqu’alors considérés comme « invendables ». L’écrivain lui propose alors de cosigner La Banlieue de Paris (1949), l’œuvre qui consacre alors Robert Doisneau. Avant de quitter l’exposition, ne ratez pas une interview étonnante menée par l’actrice Sabine Azéma qui clôt le parcours élégamment. Robert Doisneau explique ne pas vouloir recevoir les honneurs : « Je ne peux pas devenir un notable, je continue à faire des expériences », assure-t-il gaiement. Et de surenchérir : « Je n’aime pas les honneurs, Madame Sabine. Seuls les dompteurs sont décorés. Les funambules, eux, une médaille leur ferait perdre l’équilibre », lance-t-il, sourire en coin.

Infos pratiques : exposition « Robert Doisneau, l’esprit de Résistance » au musée de la Résistance nationale, 40, quai Victor-Hugo, Champigny-sur-Marne (94). Jusqu’au 28 avril. Ouvert du mardi au vendredi de 14 h à 18 h et de 14 h à 19 h les samedis et dimanches. Tarif : 8 € (plein tarif), gratuit pour les moins de 18 ans. Accès : gare de Champigny (RER A) puis 10 min à pied depuis la gare ou bus 7, 116, 208 ou 306 arrêt « Marché ». Plus d’infos sur musee-resistance.com

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