La première fois qu’Orestie, la trilogie dramatique d’Eschyle, à été représentée, nous étions en 458 av. J.-C. Orestie, “c’est l’histoire d’un dysfonctionnement familial grave où la justice intervient à la fin pour dire qu’il n’est pas possible de continuer à s’entretuer. Les enjeux sont évidemment forts, encore aujourd’hui”, explique D’ de Kabal, qui co-signe avec Arnaud Churin cette formidable adaptation présentée à la MC93 de Bobigny.
Annoncé comme un opéra hip-hop, cet Orestie du XXIe siècle est bien plus que cela. Je suis d’ailleurs venu à l’occasion de la séance dédiée aux scolaires pour comprendre comment une tragédie écrite voilà plus de 2500 ans pouvait impacter le jeune public d’aujourd’hui. L’ambiance dans les gradins est légère et animée. Des rires sonores s’élèvent ici et là. Un “joyeux anniversaire” retentit soudain, repris en chœur à la volée. Nous sommes à quelques minutes du coup d’envoi et la salle vibre dans une atmosphère dissipée et bon enfant. Les gamins ne savent pas encore qu’ils vont se faire littéralement happer par un spectacle total de plus de trois heures.
Une création qui fusionne les siècles
La scène est immense et nue. Aucun artifice ne vient détourner l’attention des personnages qui, micro en main, vont animer d’une présence parfois écrasante les tableaux successifs du récit. Un récit sombre, ponctué et rythmé par un human beatbox grave, presque menaçant. Nous sommes effectivement dans les codes de la culture hip-hop. Les personnages déclament au micro, ils posent un flow autant qu’ils disent leur texte.
À chaque étape de l’intrigue, la vingtaine de personnages se replacent dans l’espace pour former une nouvelle scène, creuser dans la veine du drame. Et même sans connaître l’œuvre d’Eschyle, les mots résonnent. Ils pénètrent les consciences, font leur office alors que les beats humains frappent les poitrines à grands renforts d’infrabasses. C’est prenant. D’ de Kabal et Churin sont allés bien au-delà de la relecture ou de la revisite d’une œuvre millénaire. Orestie est une création qui fusionne les siècles, les genres et les cultures pour donner vie à une œuvre nouvelle, inédite dans la forme et très contemporaine dans le fond. Jamais, à aucun moment, le hip-hop, l’opéra ou la tragédie n’ont servi d’alibi ou de prétexte à cette pièce manifeste.
Infos pratiques : « Orestie » à la MC93, 9 boulevard Lénine, Bobigny (93). Jusqu’au 13 mars. Tarifs : 9€ à 25€. Plus d’infos sur mc93.com
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12 mars 2018 - Bobigny