Elle fait partie d'une chaîne de grandes collines qui traverse l'Île-de-France. A cheval entre le Val-d'Oise et la Seine-Saint-Denis, la butte Pinson a retrouvé son caractère naturel après avoir servi notamment de décharge et de carrière de gypse et fait office aujourd'hui de poumon vert. Ce que nous explique Valentine Arreguy, paysagiste et chargée du projet de la butte Pinson au sein d'Île-de-France Nature.

Le cycle « J’irai randonner dans la Métropole du Grand Paris » est proposé par Enlarge your Paris en partenariat avec la Métropole du Grand Paris pour faire découvrir le Plan biodiversité métropolitain et les projets qui renforcent la place de la nature dans le Grand Paris.
La butte Pinson, c’est un peu comme la butte Montmartre, mais avec un parc au lieu du Sacré-Cœur ?
Valentine Arreguy : C’est exactement ça ! L’Île-de-France est traversée par une sorte de chaîne de grandes collines – en géologie on appelle ça des buttes témoins – d’une centaine de mètres de hauteur, depuis la forêt de Montmorency dans le Val-d’Oise jusqu’au plateau de Romainville et au bois de Bondy en Seine-Saint-Denis, en passant par les buttes parisiennes dont la fameuse butte Montmartre. Ce sont des témoins très anciens de la présence de la mer il y a des milliers d’années. La butte Pinson, avec ses 120 mètres de hauteur, est une petite sœur méconnue de l’illustre colline parisienne. Elle a pourtant aussi eu ses peintres, comme Maurice Utrillo, et sa mère, Suzanne Valadon, dont le travail a été exposé au Centre Pompidou (4e) juste avant sa fermeture pour travaux en mars 2025.
Où se trouve-t-elle exactement ?
Elle est à cheval entre le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis, dans un territoire très urbanisé. La butte Pinson, qui fait un peu plus de 100 ha, est une ancienne carrière de gypse. À partir du milieu du XIXe siècle, on a commencé à exploiter ce sédiment qui sert à produire du plâtre utilisé pour les immeubles parisiens. Il faut imaginer l’ambiance : alors que, pendant des siècles, ça a été une colline où l’on produisait des fruits et des légumes et où les Parisiens aimaient venir se reposer au vert, tout à coup, le site est devenu un lieu industriel qu’on a commencé à éventrer avec des galeries, des routes… La colline était recouverte de poussière blanche et de fumée, traversée par des wagons transportant le gypse vers des grands fours. Tout cela a duré près d’un siècle et a laissé la butte complètement défigurée.
Après la fin de l’exploitation industrielle, qu’est devenue la butte ?
Quand il y a un trou, qu’est-ce que ça attire ? Les poubelles ! À Paris, on était en train de creuser la gare RER de Châtelet–Les Halles. Alors on a balancé ici les gravats du chantier. Ensuite, on a complété avec des poubelles ordinaires, de la bonne ordure ménagère… Sur la butte Pinson, on a sous nos pieds plus de 30 mètres de déchets ! Bref, à la fin des années 60, ici, c’était une vraie friche industrielle avec du squat, des arbres qui ont poussé comme ils pouvaient au milieu des poubelles, des sols contaminés. C’est alors que la Région décide de faire quelque chose ! En 1985, l’Agence des espaces verts [devenue Île-de-France nature en 2024, NDLR] décide de renaturer ce site et s’engage pour reconquérir ce territoire. C’est alors un chantier colossal en raison des sols pollués, mais aussi parce qu’il y avait énormément de propriétaires de petites parcelles, ainsi que des campements plus ou moins légaux. Avant de dépolluer et de faire revenir une vie naturelle, il a fallu acheter ces milliers de petites parcelles qui composaient la butte. Cela nous a pris des décennies, c’est encore en cours, mais cela touche à sa fin !

C’est dans cet environnement que vous avez décidé de créer un espace naturel. Quel est le sens de cette démarche ?
On est entre Villetaneuse au sud, Pierrefitte à l’est et Sarcelles au nord-est, dans un ancien territoire agricole totalement urbanisé au XXe siècle. Alors cette friche, toute polluée et bouleversée qu’elle était, était une vraie opportunité pour recréer un site naturel destiné aux Franciliens. Ça prend du temps, demande beaucoup d’investissements, mais cela en vaut la peine ! Aujourd’hui, le travail n’est pas fini, mais on a conçu un grand parc d’un peu moins de 100 ha avec des prés, des bois, des jardins potagers partagés et un magnifique panorama sur toute la région. On a apporté un véritable poumon vert à ce territoire.
Comment avez-vous fait pour rétablir la vie dans les sols ?
Depuis les années 1980, on restaure patiemment les sols. On dépollue ou on contient la pollution. On remet de la terre vivante. On stabilise les galeries souterraines pour éviter les effondrements. Ce travail-là n’est d’ailleurs pas encore fini et certains espaces sont interdits au public pour éviter les accidents. On renature en réintroduisant de la végétation et en créant des habitats pour la faune locale. On crée aussi des espaces de préservation de la biodiversité, fermés au public, et on sensibilise les habitants à tous ces enjeux. Quand on vient se promener ici, lire sur l’herbe ou jouer avec ses enfants, on n’a pas l’impression qu’on est au-dessus des déchets des grands chantiers parisiens ! Notre métier, c’est de transformer des sites dégradés par l’exploitation industrielle en lieu de vie à la fois pour les habitants et pour la biodiversité. On répare, on remet du vivant et on réinvente des espaces de nature pour les Franciliens. C’est une belle aventure que de réinvestir des territoires abîmés et désertés par les hommes pour les restituer pleinement à la ville, et les rendre attractifs et vivants.
Infos pratiques : Domaine régional de la butte Pinson, avenue du Général Gallieni, Montmagny (95). Ouvert tous les jours. Accès : tramway T5 arrêt Butte Pinson. Plus d’infos sur iledefrance-nature.fr

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6 avril 2025 - Montmagny