Qui sont les Grand-Parisiens vivant à côté des gares du futur Grand Paris Express ? Partie à leur rencontre durant trois ans, la photographe Françoise Huguier en tire une série de portraits intimistes qu'elle dévoile à Pantin dans le cadre du Mois de la photo du Grand Paris. Elle nous explique sa démarche, autant sociologique qu'artistique.
Après avoir parcouru le monde, la photographe Françoise Huguier a choisi de poser ses valises chez les Grand-Parisiens. Depuis 2014, année au cours de laquelle elle est devenue membre du comité artistique de la Société du Grand Paris, elle a partagé, le temps d’une journée, l’intimité ainsi que les trajets quotidiens de 24 familles qui vivent aux abords de l’une des futures gares du Grand Paris Express. Un travail qu’elle expose à partir du 8 avril dans le cadre du Mois de la photo du Grand Paris aux Magasins généraux à Pantin (93).
Ces trois dernières annés, vous avez photographié les habitants vivant aux abords des futures gares du Grand Paris Express. Pourquoi cette démarche ?
Françoise Huguier : Je suis une vraie militante du Grand Paris Express ! Je me demande pourquoi lorsque la France avait de l’argent, sous Mitterrand et Chirac, personne n’a pensé à mettre en place ce projet primordial. Aujourd’hui, il nous faut mener une réelle réflexion à l’aménagement des villes de banlieue, pour la plupart bâties dans l’urgence durant les années 70. Malheureusement, peu de mes confrères s’intéressent au Grand Paris. C’est bien dommage car il y a un imaginaire à construire et c’est aussi notre rôle. Mais l’argent reste le nerf de la guerre et on ne peut pas dire que l’on se sente soutenus par les pouvoirs publics. Il y a encore beaucoup de lieux culturels de banlieue à valoriser. Les médiathèques sont par exemple des endroits idéals pour exposer. J’y ai déjà présenté mon travail dans celles de Bobigny et de Romainville. Là, je prépare une exposition à la médiathèque de Bagnolet. La question reste de savoir si l’on cherche à attirer les Parisiens en banlieue ou si l’on monte un événement local à destination des habitants. C’est la tension rencontrée lors de cette première édition du Mois de la photo du Grand Paris. Et il n’est pas simple de satisfaire les deux parties.
Comment avez-vous choisi les Grand-Parisiens dont vous avez tiré le portrait ?
Je n’avais pas de critères préalables. On trouve dans cette galerie de portraits aussi bien des colocations d’étudiants à Saint-Denis qu’une famille de Sénégalais à Montfermeil. Je nouais le via Facebook ou par le biais d’amis, des mairies ou des associations locales. Dans le milieu de la photographie, j’ai toujours entendu dire qu’il était difficile de travailler chez les gens. En ce qui me concerne, les portes m’ont été grandes ouvertes, même celle de la chambre à coucher. Il s’agit tout d’abord d’établir un lien avec la personne qui vous reçoit et bien analyser son intérieur pour identifier ce que l’on souhaite révéler de son intimité. Je me suis arrêté sur des détails représentatifs du quotidien, comme ce que regardaient mes hôtes à la télévision ou la décoration de la chambre des enfants. Une fois les prises de vue réalisées, il me fallait sélectionner et assembler mes tirages pour confectionner une mosaïque par famille. Portraits, objets personnels, j’ai passé un temps fou en laboratoire pour obtenir un ensemble qui corresponde à ce qui m’a touché.
Quelle perception du Grand Paris se dégage de vos rencontres ?
Quand j’ai commencé ce projet, les habitants étaient surpris de la démarche car ils n’avaient pas connaissance de l’aménagement du Grand Paris Express. J’étais celle qui leur apportais la bonne nouvelle et je leur annonçais que leurs temps de transport allaient réduire de moitié dans certains cas. Lors de chaque visite, je sortais la carte du Grand Paris Express et les photos des maquettes des futures gares. Mon travail s’est révélé autant sociologique qu’artistique.
Allez-vous poursuivre cette démarche photographique ?
Je travaille actuellement sur une série, encore plus sociologique, au sein des logements sociaux de Deauville, qui malgré les apparences représentent 30% de la ville. J’ai déjà rencontré deux mères célibataires. Cette fois-ci, j’ai envie d’écrire pour raconter ce qu’il se passe. On ne parle pas de cette réalité. Ces tristes itinéraires de vie me semblaient naïvement disparus de France. Cette série s’inscrit dans le cadre du festival Planche(s) contact de Deauville qui aura lieu fin octobre.
Infos pratiques : “Grand Paris. L’approche intimiste de Françoise Huguier” du 8 au 30 avril. Les Magasins généraux, 1 rue de l’Ancien Canal, Pantin (93). Du vendredi au dimanche de 10h à 19h. Entrée libre. Plus d’infos sur www.moisdelaphotodugrandparis.com
En parallèle de l’expo, faites vous tirer le portrait en famille dans des studios photo éphémères. Les prises de vue, d’une vingtaine de minutes, sont assurées par des photographes professionnels. Chaque portrait réalisé fera l’objet de deux tirages : l’un offert à chacune des familles, l’autre exposé au sein des Magasins généraux. Les photographies réalisées constitueront les premières archives des Grand-Parisiens et seront confiées à une institution publique à l’issue du projet. Réservation gratuite mais obligatoire sur www.moisdelaphotodugrandparis.com
7 avril 2017