À la marge, peut-être ; à la masse, certainement pas ! C’est l’impression qui se dégage à la sortie d’Oakland-Saint-Denis, in the banlieues, l’exposition actuellement proposée au Pavillon de l’Arsenal à Paris (4e). L’événement découle d’une coopération mise en place entre les deux villes depuis 2018 avec création de délégations, voyages d’études, publications et création artistique. Certes, les deux villes ne sont pas similaires. Oakland en Californie équivaut « en termes de surface et d’habitants à l’ensemble de la communauté d’agglomérations de Plaine Commune », rappelle Laure Gayet, commissaire de l’exposition. Mais « entre les modifications radicales qu’elles ont pu connaître et leur diversité ethnique, il existe aussi beaucoup de similitudes ». Sans oublier leur situation, à proximité d’une grande ville : San Francisco pour Oakland, Paris pour Saint-Denis. « Ces périphéries se réinventent et ont des choses à raconter ! », poursuit Laure Gayet.
C’est ce qu’illustre l’exposition en partant de l’histoire de chacune des deux villes. « Saint-Denis est une ville royale qui, dès 639, abrite une nécropole avec l’inhumation du roi Dagobert, rappelle Laure Gayet. Oakland fait partie du territoire amérindien ohlone. En 1777, elle est prise par les colons espagnols. » Côté industrie, Oakland est marquée par le développement du chemin de fer tandis que Saint-Denis assiste, au XIXe siècle, au creusement du canal. Mouvement des Black Panthers à Oakland, culture ouvrière à Saint-Denis. Le chemin des deux villes converge dans les années 80 avec l’émergence, à peu près à la même période, du mouvement hip-hop. Des photos retracent la fête mythique à la casse d’Aubervilliers en 1984.
Des réponses originales aux problématiques de la vie urbaine
Autre pan passionnant de l’exposition : la façon dont les habitants s’emparent de leur histoire et la racontent. Impossible de ne pas bloquer devant les magnifiques portraits de Sophie Comtet Kouyaté qui a invité des Dionysiens à incarner la dimension royale de leur commune. Quant à Mama Whita des sœurs Chevalme, il s’agit d’un fauteuil Voltaire que les artistes ont retapissé avec un pastiche de toile de Jouy qui dénonce la colonisation avec une ironie acide. À Oakland, les maisons de la ville se parent de fresques murales retraçant l’histoire des Black Panthers.
Avec sa troisième partie « Cross Over », l’exposition montre comment, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, des réponses originales sont mises en œuvre pour répondre aux problématiques de la vie urbaine. Tandis qu’à Oakland, dans le quartier de San Leandro, on restaure une crique pour lutter contre les inondations qui menacent une population déjà fragilisée, à Saint-Denis, on se pose la question de l’aménagement des bords du canal. Écologie, droits des femmes, développement durable : les deux banlieues proposent des réponses originales que l’exposition met en lumière. « Aujourd’hui, on réclame le droit de faire entendre sa voix singulière », explique Laure Gayet. Et, à Oakland comme à Saint-Denis, se développent en périphérie des solutions dont l’inventivité a de quoi rendre jaloux les centres-villes. « Oakland-Saint-Denis, in the banlieues » a cette vertu : ne pas masquer les difficultés qui peuvent parfois plomber ces territoires, mais mettre en avant toutes les ressources qu’ils sont capables de déployer pour y faire face. Cela force indéniablement le respect.
Infos pratiques : Exposition « Oakland-Saint Denis, in the banlieues », au Pavillon de l’Arsenal, 21, boulevard Morland, Paris (4e). Jusqu’au 28 août. Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 19 h. Entrée libre. Accès : métro Sully-Morland (ligne 7). Plus d’infos sur pavillon-arsenal.com
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30 juin 2022 - Paris