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J’ai renoué avec les échecs dans un bar à échecs

Le Blitz Society à Paris / © John Laurenson pour Enlarge your Paris
Le Blitz Society à Paris / © John Laurenson pour Enlarge your Paris

Loin d'être échec et mat pour un jeu vieux d'au moins 15 siècles, les échecs séduisent de nouveaux publics à l'heure de TikTok et des jeux vidéo comme chez Blitz Society, un café qui leur est dédié dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Journaliste pour Enlarge your Paris, John Laurenson est allé y tester son ouverture anglaise.

À New York récemment, le plus grand joueur du monde de blitz (jeu d’échecs très rapide) Magnus Carlsen a préféré quitter une compétition plutôt que de changer son jean pour un pantalon conforme au dress code. Le Norvégien de 34 ans serait très à l’aise au Blitz Society, ce café élégant mais décontracté du 6e arrondissement où ça roque jusqu’à tard le soir. Quand j’arrive vers 17 h 30 en pleine semaine, il y a déjà beaucoup de monde autour d’une quinzaine de tables ornées d’échiquiers aux carreaux verts et blancs. Blitz Society attire différents publics selon le jour et l’heure : pas mal de familles le week-end, quelques jeunes couples le soir (si, si, jouer aux échecs c’est bien, même pour un premier date !). Là, c’est plutôt un public d’after work. Ce soir, les joueurs sont à dominante jeune et masculine ; l’ambiance est intello-chic. La lumière est tamisée. Plusieurs joueurs ont, à côté de leur horloge d’échecs, des coupes d’un breuvage rose et légèrement mousseux : c’est le Zweig, un cocktail maison fait d’amer italien, de gentiane, de marasquin (cerise), de citron et d’eau pétillante, nommé ainsi en hommage à Stefan Zweig, l’auteur du Joueur d’échecs.

« Les clubs d’échecs sont souvent à l’étage, ce qui est un peu intimidant. On a voulu créer ici un lieu sympa. Il y a des joueurs de tous les âges, de très bons comme de très moyens, des femmes aussi bien que des hommes », m’explique Romain Benhamou qui a ouvert Blitz Society avec quelques amis passionnés comme lui des 64 cases. On est à quelques pas du jardin du Luxembourg et son fameux carré de joueurs d’échecs acharnés et, me dit Romain, quelques-uns d’entre eux viennent ici, surtout quand il fait mauvais ou après la fermeture du parc. Là-bas, me dit-il, le niveau est très élevé. Mais le principe est le même : on est dans un réseau social physique ; on n’est pas seul à jouer sur son ordi et on peut tourner de table en table.

Un lieu pour tous niveaux

« C’est tous niveaux« , me précise Romain. « Tous niveaux, c’est bien », me dis-je. Ainsi encouragé, j’ose proposer une partie à quelqu’un qui regarde deux autres personnes jouer. Quelques minutes et une ouverture anglaise complètement ratée plus tard, on se présente : il s’appelle Mateo. Il m’explique que c’est la première fois qu’il vient au Blitz Society en compagnie de deux amis avec lesquels il joue aux échecs depuis la maternelle. Autour de nous, pas mal d’autres joueurs ont la vingtaine. Ça confirme les mots de Romain : la démographie des échecs a beaucoup évolué ces dernières années.

Il n’y a pas si longtemps, c’était seulement à New York – à Central Park ou Riverside Drive – que le blitz était roi. On y rencontrait même des chess husslers qui jouaient pour de l’argent – ce qui n’est pas le cas au Blitz Society bien entendu. Maintenant, cette façon plus énergique et spontanée de jouer s’est généralisée ; beaucoup de nouveaux amateurs sont venus au jeu, un phénomène amplifié par les échecs en ligne et les applis comme chess.com qui permettent de jouer n’importe quand contre les adversaires humains ou virtuels. C’est assez incroyable la longévité, l’adaptabilité, la popularité internationale de ce jeu né entre les IIIe et VIe siècles en Asie avant d’être introduit en Europe via l’Espagne musulmane vers la fin du premier millénaire. En Europe, il a pris sa forme moderne : le « vizir » s’est vu transformer en « reine », l’ « éléphant » en « fou » et tous deux ont été dotés du pouvoir dévastateur de se déplacer à une vitesse éclair. Le « soldat » du jeu arabe est devenu le « pion » avec, au passage, le nouveau droit d’avancer de deux cases au lieu d’une au premier coup.

Pour ceux qui ne veulent pas se lancer comme ça ou qui veulent progresser de façon plus structurée, il y a des cours pour les enfants et les débutants aussi bien que pour les joueurs confirmés (voir blitzsociety.fr pour plus d’informations). Il y a aussi des tournois les mercredis et les dimanches qui attirent une quarantaine de joueurs, et le jeudi soir on dame son pion au son d’un groupe de jazz. On peut aussi se restaurer. La maison propose assiettes de charcuterie et de fromages, soupe de saison, hot-dogs, gaufres…

« Une deuxième partie ? », proposé-je à Mateo. « Allez ! » Il est gentil. Je ne suis pas un adversaire digne de lui. « Ça fait longtemps que vous n’avez pas joué ? », me demande-t-il. Comment a-t-il deviné ?

Infos pratiques : Blitz Society, 4, rue du Sabot, Paris (6e). Ouvert du mardi au vendredi de 15 h 30 à 23 h 30, le samedi et le dimanche de 10 h à 23 h 30. Accès : métro Saint-Germain-des-Près (ligne 4). Plus d’infos sur blitzsociety.fr

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