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Et si on allait au musée pour se faire du bien ?

A Paris, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (13e) délivre, depuis décembre dernier, des « ordonnances muséales » afin de calmer les angoisses de ses patients sortis de l’hôpital / © Pxhere
À Paris, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (13e) délivre, depuis décembre dernier, des « ordonnances muséales » afin de calmer les angoisses de ses patients sortis de l’hôpital / © Pxhere

En décembre dernier, le service de cardiologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris a inauguré en France les « ordonnances muséales » tandis que des musées comme le musée d'Art moderne de Paris proposent des visites axées sur le bien-être, comme des séances de méditation.

« Un esprit sain dans un corps sain », pourrait-on lire bientôt sur les frontispices des musées. Si l’on sait que l’art développe la sensibilité ou l’ouverture d’esprit, il posséderait également bien des vertus pour notre santé physique et mentale. S’inspirant d’une pratique déjà répandue au Canada, le professeur Gilles Montalescot, chef du service de cardiologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (13e) délivre, depuis décembre dernier, des « ordonnances muséales » afin de calmer les angoisses de ses patients sortis de l’hôpital. « La maladie cardiaque a de fortes répercussions sur la vie des malades à long terme, elle ne s’arrête pas avec la fin du traitement à l’hôpital », note Kristina Taylor, membre de Parole et réaction, l’association chargée notamment de financer ces visites au musée un peu particulières.

Concrètement, il s’agit d’amener des patients à suivre une séance de méditation de pleine conscience face à une œuvre d’art. « Il a été prouvé que, lorsqu’on se plonge dans une œuvre, des zones du cerveau activent certaines hormones qui ont pour effet immédiat de nous relaxer », explique Françoise Hotier, la guide conférencière chargée de ces visites par l’association. « Par exemple, le bleu d’un tableau a tendance à élargir le regard, à agrandir ainsi notre espace intérieur. Le jaune, qui réfléchit bien la lumière, procure de la joie. Il suffit de prendre le temps d’intégrer ces composantes d’un tableau. C’est ce que nous faisons, en petits groupes, devant une œuvre choisie », ajoute celle qui emmène ces patients au musée Monet-Marmottan (16e), dans les jardins du musée Rodin (7e) ou encore au musée de Cluny (5e).

S’ouvrir à d’autres formes de ressentis

Pour les patients, ces visites restent aussi l’occasion de rompre un certain isolement dû à la maladie, même si pour Claudine Verdickt, patiente de la Pitié et adhérente de l’association Parole et réaction, « ce n’est pas le but. Ces séances de méditation permettent surtout de me libérer d’une certaine angoisse. C’est un bon complément à mes autres pratiques relaxantes ». Tanguy Queffélec, parrain de l’association Parole et réaction, y trouve, lui, une autre manière d’appréhender l’art : « À la faveur de la secousse psychologique provoquée par la crise cardiaque dont j’ai été victime, une sculpture de Rodin possède une portée tout autre. Au-delà de la relaxation, ces visites nous donnent l’occasion de nous ouvrir à d’autres formes de ressentis. » Ces séances de méditation dans les musées connaissent en tout cas un grand succès, selon l’association. Et cette idée d’ordonnances muséales semble faire son chemin dans l’Hexagone, au moins jusqu’à l’hôpital de Montpellier où l’art est désormais « prescrit » pour contrer l’anxiété et la dépression.

Heureusement, souffrir d’une pathologie cardiaque ou psychique n’est pas nécessaire pour ressentir l’envie de se détendre au musée. Car il faut bien se l’avouer : visiter une exposition peut devenir anxiogène, entre contrôles à l’entrée, créneaux de visites minutés et salles bondées où le visiteur passe plus de temps à lire les écriteaux qu’à admirer les œuvres qui les accompagnent. « On va souvent voir les Nymphéas de Claude Monet juste pour cocher la case « Monet » dans le cadre d’une visite à Paris. Mais qu’en retire-t-on véritablement ? », s’interroge la guide Françoise Hotier.

Les séances de méditation du musée d'Art moderne de Paris / © Service culturel MAM Paris
Les séances de méditation du musée d’Art moderne de Paris / © Service culturel MAM Paris

Des séances de méditation au musée d’Art moderne de Paris

Pour l’instant, les plus grandes institutions muséales parisiennes n’ont pas encore sauté le pas de visites « bien-être » que certains appellent déjà « slow visites », à l’instar du musée d’Art et d’Histoire Paul-Éluard de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) qui avait lancé des séances sous cette appellation dès 2017. Le sujet serait néanmoins sur la table de nombreux musées. S’il existe bien quelques visites olfactives au Louvre (1er) ou des séances en musique au musée d’Orsay (7e), le Centre Pompidou (4e) a malheureusement abandonné ses séances « Art détox », inspirées de la technique du reiki.

Face aux flots de visiteurs pressés le musée d’Art moderne de Paris (MAM) fait donc de la résistance et se révèle même un véritable précurseur dans cette approche plus sensorielle de l’art. Depuis près de dix ans, le MAM propose des séances de méditation face à certaines œuvres du musée, comme des séances de yoga ou même de wutao (autre pratique relaxante). « Lorsqu’on se rend au musée, on souhaite souvent accumuler du savoir, mais c’est au détriment de l’émotion. Ces visites sont conçues pour laisser se développer la sensibilité de chacun. Cela n’empêche pas de repartir avec de nouvelles connaissances ! », détaille Marie-Josèphe Berengier, médiatrice au musée d’Art moderne de Paris.

Marjan Abadie, thérapeute spécialisée dans la méditation de pleine conscience et autrice du livre Méditer avec l’art propose quant à elle des séances de méditation dans les musées, sur place ou en ligne. « Il y a quatre ans, je me sentais encore bien seule dans cette pratique, mais aujourd’hui les choses changent », constate-t-elle. La preuve : elle forme aujourd’hui des professionnels de musées à la méditation autour d’un certain nombre d’œuvres choisies. En attendant que les musées prennent le virage des « slow visites », cette passionnée d’art et directrice de l’institut Mindfulness de Bruxelles a participé au développement d’une application destinée à suivre des séances de méditation devant une sélection d’œuvres, que l’on soit au musée ou sur son canapé. Ou quand la Toile permet aussi d’admirer (autrement) des toiles.

Infos pratiques : association Parole et réaction, hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris 13e). Plus d’infos sur actiongroup.org / Musée d’Art moderne de Paris, inscriptions aux séances « Bien-être au musée » sur le site mam.paris.fr / Méditer avec l’art, de Marjan Abadie, aux éditions Eyrolles (19,90 €). Plus d’infos sur les dates des séances à venir sur mindful-art.eu / Plus d’infos sur les dates de visites de la guide conférencière Françoise Hotier Gardian sur artbreathings.com

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