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Comment le 13e est devenu une référence du street art depuis 10 ans

Fresques street art géantes sur le "Boulevard 13" à Paris dans le 13e arrondissement / © Jeanne Menjoulet
Fresques street art géantes sur le « Boulevard Paris 13 » dans le 13e à Paris / © Jeanne Menjoulet (Creative commons – Flickr)

En 2013, le 13e voyait l'un de ses immeubles voué à la démolition investi par une centaine d'artistes pour en faire une oeuvre d'art éphémère. Dix ans après la « Tour Paris 13 », le street art s'est peu à peu répandu sur les murs de l'arrondissement donnant notamment naissance au « Boulevard Paris 13 », galerie d'art à ciel ouvert le long du boulevard Vincent Auriol. Fondateur de la galerie Itinerrance spécialisée dans l'art urbain et initiateur de ces projets, Mehdi Ben Cheikh revient pour Enlarge your Paris sur cette décennie débridée.

Il y a dix ans, sous votre houlette, 108 street-artistes s’attaquaient à une tour du 13e arrondissement donnant lieu à une grande expo éphémère. Pouvez-vous revenir sur cet épisode? 

Mehdi Ben Cheikh : En tant que directeur d’une galerie (la galerie Itinerrance, NDLR), je commençais déjà à faire faire des murs à des street-artistes dans le 13e arrondissement. À mes yeux, il est important de travailler à l’intérieur de sa galerie mais aussi à l’extérieur. Le truc, c’était que les propositions étaient assez policées. Et c’est normal : quand on travaille dans l’espace public, on n’est pas là pour agresser les gens. On ne va pas faire un énorme nu par exemple. Je disais toujours aux artistes : « Vous, vous ne restez qu’une semaine, mais les personnes du quartier, elles vont vivre avec votre œuvre sous les yeux tous les jours » N’empêche, j’avais envie de quelque chose de plus pêchu, de davantage de liberté. Je me suis donc dit qu’un immeuble voué à la destruction pouvait être un bon endroit. J’ai donc commencé à contacter des bailleurs. ICF La Sablière s’est montrée réceptive, tout comme Jérôme Coumet, le maire d’arrondissement. Ils m’ont donné la possibilité d’intervenir sur les façades du 9, rue Fulton, en bord de Seine. On a donc commencé à y peindre d’immenses gouttes orange. Au cours de notre travail, nous avons compris que les locataires étaient tous progressivement en train de quitter l’immeuble. Nous avons donc demandé s’il était possible d’œuvrer dans les appartements vides. Pendant sept mois, nous avons donc à la fois « intercepté » les artistes internationaux de passage à Paris et proposé aux artistes locaux d’intervenir. Chacun avait une pièce qui devait permettre au visiteur de rentrer dans leur univers. Le lieu a ouvert durant un mois en octobre 2013, avant la destruction de la tour en avril 2014.

Comment le 13e arrondissement s’est-il imposé comme l’arrondissement du street art ?

Cela s’est fait petit à petit et a débuté avant la tour Paris 13. J’ai fait la connaissance du maire d’arrondissement qui est un vrai féru d’art. Puis nous avons avancé. Il faut dire que le 13e a des atouts qu’on ne trouve pas dans d’autres arrondissements. Ailleurs dans Paris, il y a beaucoup de bâti haussmannien auquel on ne peut pas toucher et c’est très bien comme ça. Mais, dans le 13e, par exemple sur le boulevard Vincent Auriol, il y a tous ces HLM des années 60. Cela a permis d’initier le « Boulevard Paris 13 » : 26 œuvres entre la place d’Italie et le quai de la Gare. Avec la ligne 6 du métro qui est aérienne sur cette partie du tronçon, cela offre la possibilité de traverser véritablement une expo sans quitter son wagon. C’est d’autant plus important qu’il n’y a pas de grand musée dans le 13e. Il y a tout le quartier autour de la BNF, mais c’est tout. Ces projets street art ont donc apporté une plus-value culturelle qui manquait à l’arrondissement. C’est valorisant pour les habitants qui sont fiers de leur quartier et cela fait venir des touristes. C’est aussi encourageant pour les artistes puisque nous donnons à voir un endroit où ils ont l’autorisation et les moyens de leurs créations. En un sens, cela les rassure dans leurs choix.

Graffiti dans les rues du 13e / © Sofirou (Wikimedia commons)
Graffiti dans les rues du 13e / © Sofirou (Wikimedia commons)

Ce projet street art permet aussi de relier le 13e à Ivry et Vitry où la discipline est très présente… Et donc, en un sens, d’abolir la frontière du périphérique.

C’est pour moi un très bel outil pédagogique. Pendant plusieurs années, j’ai été professeur d’art plastique dans toutes les ZEP possibles. Et il me semble que, avant d’emmener les enfants des quartiers au Louvre ou à Orsay, ce n’est pas mal d’effectuer une escale par le street art. Parce que ça leur parle. Et puis parce qu’un musée, ça peut impressionner. Dans le 13e, on est dehors, mais on voit de l’art et on sort aussi de son quartier. Parce qu’on le sait bien : on a beau venir d’une banlieue proche de la capitale, il y a toujours une barrière psychologique qui est en place et fait appréhender l’idée de se rendre à Paris. On a l’impression qu’on va se perdre. Le Boulevard Paris 13, c’est 1,5 ou 2 kilomètres de balade, donc c’est assez condensé. En même temps, ça marque et ça impressionne.

De plus en plus d’opérateurs proposent, le temps qu’un bâtiment soit rénové, que des street-artistes s’en emparent, à la façon dont vous aviez mené le projet de la tour Paris 13 en 2013. Est-ce que ça vous agace ?

Pourquoi cela m’agacerait ? Au contraire ! Je trouve ça très bien que ce type d’expérience soit mené ailleurs. J’ai milité pour l’accompagnement du mouvement street art, donc plus on est, mieux c’est ! J’ai ramé seul suffisamment longtemps pour me réjouir que d’autres se joignent à l’aventure !

Infos pratiques : pour vous balader le long du Boulevard Paris 13, retrouvez la carte et les infos liées aux œuvres sur boulevardparis13.com

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