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Au Colors Festival, je me suis plongé dans un pavillon de banlieue devenu œuvre d’art

Les artistes du Colors festival ont métamorphosé un pavillon de banlieue à Champigny-sur-Marne / © John Laurenson pour Enlarge your Paris
Les artistes du Colors Festival ont métamorphosé un pavillon de banlieue à Champigny-sur-Marne / © John Laurenson pour Enlarge your Paris

À l'occasion de la 4e édition du Colors Festival et sous la direction du street artiste Dave Banares, des graffeurs ont métamorphosé une maison de ville abandonnée de 300 m2 à Champigny-sur-Marne sur le thème des animaux et de la nature. Une exposition qui joue les prolongations jusqu'au 5 janvier dans laquelle s'est immergé John Laurenson.

Depuis un an, le journaliste et correspondant de la BBC John Laurenson partage avec nous son regard sur la banlieue à travers la série « Le Grand Paris est une fête », en hommage au Paris est une fête d’Ernest Hemingway.

Avant, le 37, avenue Roger-Salengro à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) avait tout de l’archétype de la maison bourgeoise. Maintenant, sur l’un des murs, une énorme panthère noire peinte m’épie de ses yeux jaunes et torves en guise de bienvenue. Je traverse le jardinet, dont le poulailler est décoré à grands coups de bombe de peinture, et m’arrête pour regarder le grand fauve avant de pousser la porte d’entrée.

Je suis accueilli par une animatrice du Colors Festival dans une pièce complètement rouge. Près de l’entrée, une salle d’eau est maculée d’une grande « défoulade » d’aérosols. Les murs sont tagués et de la peinture blanchâtre dégouline sur le bord de la baignoire. Une fois passé l’accueil/boutique/billetterie, l’esprit change radicalement. Dans l’une des premières pièces, je découvre le travail de Combo, fin dessinateur qui a créé sur ses murs une jungle noir et blanc où les bêtes bataillent contre des machines envahisseuses. Un orang-outan se dresse contre une tractopelle tandis qu’un aigle fond sur un drone.

Plus loin, je m’arrête devant un poulpe géant signé Johnny the Pimp. Ses tentacules colorés rappellent les tags new-yorkais old school. Il fait un peu réfléchir, ce poulpe. Il y a peut-être bien comme un point de bascule dans le graff entre la dégradation d’un espace urbain souvent déjà gris, laid et délabré et son illumination par des artistes qui le rendent plus beau, plus intéressant, plus humain. Finalement, quand on tombe sur du street art qu’on aime, c’est comme un cadeau laissé pour nous par un donateur anonyme, et ça fait du bien.

L'une des oeuvres de Combo / © John Laurenson pour Enlarge your Paris
L’une des oeuvres de Combo / © John Laurenson pour Enlarge your Paris

Du trompe l’œil destroy

J’aimerais bien par exemple rencontrer par hasard au détour d’une rue le travail de Lady K. Celle qui est sans doute la plus Beaux-Arts de la bande a reproduit des personnages d’Alice au pays des merveilles et inscrit des formules mathématiques. Je grimpe au premier étage et trouve une pièce transformée par l’auteur de la panthère noire du jardin, Dave Baranes. Il a peint ici un mur sur le mur : un mur en béton un peu cassé sous un ciel du sud. Dessus : des tags et, marqué en lettres pochoir, « défense d’afficher ». L’herbe pousse entre les dalles sur lesquelles un léopard nous fixe de ses yeux verts et avance d’un pas feutré mais décidé vers nous. Tout ce délabrement urbain est peint avec une exactitude saisissante. C’est du trompe-l’œil destroy.

Sur ce « mur-sur-le-mur » est collée avec du scotch une affichette où il est écrit : « Interdit de dessiner sur l’œuvre de Dave Baranes. Des poursuites pour dégradations peuvent être engagées contre vous ». « Ha ha ! » pensé-je, imaginant que ça faisait partie de l’œuvre. Mais plus loin dans l’expo je tombe à nouveau sur le même écriteau. Ceci n’est donc pas une blague. Un peu fort de café dans ce temple du tag !

Cependant cet ordre où chacun dispose de ses espaces a du bon. À l’étage encore, je déambule de pièce en pièce et de bonne surprise en bonne surprise. J’aime le Pigecam de Djalouz, un croisement dystopique entre un pigeon urbain et une caméra de vidéosurveillance, j’aime les méduses fluo de Danova et les raies manta de Camille Poli… et j’aime, à la toute fin, la pièce décorée de post-it que les visiteurs sont invités à colorer avec un Stabilo fluo et à fixer sur le mur noir. On a l’impression de contempler Chicago depuis un avion la nuit. Après la contemplation, place à l’action. Au fond du jardin vous attend une cabane où vous pourrez taguer librement à la bombe aérosol. Prière de ne pas abuser du gris, le ciel en est assez rempli…

Infos pratiques : Colors Festival, 37, avenue Roger-Salengro, Champigny-sur-Marne (94). Ouvert tous les jours jusqu’au 5 janvier sauf le 26 décembre et le 1er janvier. Horaires : du lundi au vendredi de 11 h à 18 h, samedi et dimanche de 10 h à 18 h. Tarifs : 12 € (plein tarif), 10 € (étudiant), 7 € (enfant). Accès : gare de Joinville-le-Pont (RER A) puis 20 minutes à pied ou bus 106 arrêt La Fourchette de Champigny. Plus d’infos sur colorsfestivals.com

La salle des post-its / © John Laurenson pour Enlarge your Paris
La salle des post-it / © John Laurenson pour Enlarge your Paris
La cabane au fond du jardin où taguer au gré de son inspiration / © John Laurenson pour Enlarge your Paris
La cabane au fond du jardin où taguer au gré de son inspiration / © John Laurenson pour Enlarge your Paris

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