A Aubervilliers, l’art prend la place des pubs

Soudain, au détour d’une rue à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, vous tombez sur le célèbre Printemps du peintre milanais Giuseppe Arcimboldo, planté là sur le trottoir à la place d’une publicité et de slogans commerciaux agressifs. Ce visage de profil composé entre autres de boutons de rose charmants, de délicates fleurs de muguet et d’un lys royal, a été peint en 1573. Il ne veut rien vous vendre, juste exhiber sa florissante splendeur. La toile fait partie des trésors du Louvre. Jusqu’au 8 décembre, quatre reproductions de cette œuvre fameuse s’affichent au sens propre dans les rues d’Aubervilliers. Et ce tableau n’est pas le seul à être présenté : en tout, dix peintures – à chaque fois reproduites en quatre exemplaires – ont été glissées dans 40 panneaux publicitaires de la ville. Cela représente un tiers des « sucettes » installées dans la commune.

Aubervilliers participe à une opération baptisée « La beauté sauvera le monde » – une citation extraite du roman L’Idiot de Dostoïevski – consistant à déployer des œuvres d’art sur des panneaux publicitaires, des abribus, des bâtiments municipaux, des grilles et des immeubles en chantier. L’initiative a été lancée en 2021 par la ville de Saint-Dizier en Haute-Marne, en réaction aux confinements et aux fermetures de musée pendant l’année 2020. Elle est suivie cet automne par une trentaine de villes dans toute la France, allant du bourg jusqu’aux grandes agglomérations.

En Île-de-France, Aubervilliers et L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) ont choisi de disposer des tableaux sur un certain nombre de panneaux. Meudon, Puteaux et Bagneux dans les Hauts-de-Seine en exposent mais uniquement sur des immeubles en construction (des chantiers de Bouygues Bâtiment France). Début 2024, la maire d’Aubervilliers, Karine Franclet, est entrée en contact avec le maire de Saint-Dizier, Quentin Brière, pour lui proposer un partenariat inédit en matière d’immobilier (la ville de Haute-Marne n’arrivait pas à attirer des promoteurs, Ndlr) : pour construire à Aubervilliers, les promoteurs devront s’engager à bâtir aussi à Saint-Dizier. « Il lui a parlé de son projet « La beauté sauvera le monde », et cela l’a intéressée, raconte l’adjointe à la culture Zakia Bouzidi. Nous voulons créer une nouvelle dynamique dans l’espace urbain pour nous le réapproprier grâce à l’art. »

Des oeuvres choisies par les conseils municipaux des jeunes en 2025

La ville finance le projet pour un montant d’environ 4 000 euros comprenant un droit d’affichage au réseau publicitaire, des frais d’impression, des droits à l’image (mais réduits grâce à un partenariat avec la RMN, la Réunion des musées nationaux). La RMN a proposé une centaine d’œuvres aux communes participantes. « Nous avons retenu dans la liste essentiellement des peintures impressionnistes, des œuvres avec des personnages humains qui fonctionnent dans un format vertical », précise Zakia Bouzidi. Elle a un faible pour Le Ballet de Degas, car elle aime la danse et a lancé avec l’équipe municipale le Festival « Alors on danse ».

Cela donne finalement une sélection comprenant deux Monet, un Pissarro, un Van Gogh, un Degas ainsi qu’un Lowell Birge Harrison (paysagiste américain du XIX^e siècle.) L’an prochain, les conseils municipaux des jeunes de la ville seront consultés, et leurs choix seront peut-être plus surprenants, plus audacieux. Les affiches de cette première édition seront données à des écoles et aux services municipaux qui pourront les accrocher dans leurs locaux. En 2025, Zakia Bouzidi aimerait mettre en place un tirage au sort permettant aux habitants de gagner l’une de ces reproductions, afin de rapporter un peu d’art à la maison.

Plus d’infos sur labeautesauveralemonde.fr

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