Organisée pour la première fois le 19 juin par Enlarge your Paris en partenariat avec la Ville de Paris, les villes de Saint-Denis et Aubervilliers, Plaine commune et de nombreuses associations, l’opération « Ménage ton canal » à Paris et en Seine-Saint-Denis a permis de récolter plus de 2.000 kg de déchets et réuni quelque 250 baigneurs pour la baignade dans le canal Saint-Martin (10e).
Quel était le but de la baignade organisée samedi 19 juin dans le canal Saint-Martin à Paris dans le cadre de l’opération « Ménage ton canal » ?
Laurent Neuville : L’objectif était avant tout de démontrer que c’était possible à condition de mettre en place les dispositifs adaptés. Nous, nous étions déjà convaincus, mais il fallait convaincre les Parisiens ! C’est chose faite.
Quelle est la différence avec la baignade organisée chaque été dans le bassin de La Villette ?
Seul l’aménagement est différent en réalité. A La Villette, c’est l’aboutissement d’un travail mené de longue haleine depuis 2015, année où nous avons réussi, avec l’aide de la Ville, à organiser une course dans le bassin. On commence par des petites initiatives qui démontrent qu’avec des mesures sanitaires, des mesures de sécurité aussi, ces baignades sont possibles. Ensuite, on pérennise. Qui sait, peut-être que demain, nous pourrons aménager un espace de 50 mètres avec deux pontons dans le canal Saint-Martin, et l’ouvrir à la baignade les samedis par exemple. Dans 10 ou 15 ans, ce qui était exceptionnel en 2021 sera devenu normal.
La baignade a suscité de l’enthousiasme, de la surprise mais aussi du dégoût de la part des Parisiens. Comment expliquez-vous ces réactions ?
Le problème est toujours le même : il faut changer notre regard sur nos cours d’eau. Ceux qui se sont baignés dans le canal n’ont pas trouvé qu’il sentait mauvais ou qu’il y avait un risque sanitaire. Néanmoins il est vrai que l’on voit encore malheureusement beaucoup de déchets flottants, dont des bouteilles en plastique. C’était probablement le cas de la personne qui, passant à côté de moi, a dit à son fils : « Il ne faut pas faire ça, c’est dégueulasse. » Je lui ai expliqué qu’on ne pouvait pas dire ça. Oui, il y a des algues, des objets flottants. Mais l’eau du canal n’est pas sale. Il y a tout un travail éducatif à faire sur la baignade dans les cours d’eau en ville.
Hormis les freins psychologiques, il y a également les freins réglementaires qui pèsent en France différemment que dans des pays comme l’Angleterre ou la Suisse. Pourquoi est-ce plus admis ailleurs ? Est-ce culturel ?
Deux facteurs entrent en ligne de compte. D’abord, c’est vrai qu’à une époque, nos cours d’eau étaient d’une qualité très dégradée. Dans d’autres pays, c’était peut-être moins le cas. Le deuxième point est la sécurité. Plutôt que de responsabiliser et d’éduquer les Français sur les bonnes pratiques pour se baigner en eaux libres (prévenir un proche, avoir une bouée de sécurité…), les administrations ont préféré dire « Ce n’est pas possible, c’est dangereux donc interdit« .
Qu’est-ce qu’un événement comme la baignade de samedi ouvre comme perspectives ?
On espère que ça va se pérenniser, que d’autres rendez-vous comme celui-ci puissent être organisés, à d’autres endroits ! Et surtout, l’enjeu municipal est que demain, on puisse nager non seulement dans le canal, mais aussi à différents endroits dans la Seine. On y va par étapes.
Peut-on résumer la philosophie de la baignade en ville ainsi : « Si vous savez prendre soin de votre ville, elle vous le rendra » ?
Au-delà de la ville, si on prend soin de notre environnement au sens large, la nature nous le rend. Les gens y sont de plus en plus attentifs. Si on se mobilise sur cette question, cela permettra de changer notre regard sur la baignade dans nos cours d’eau, y compris en ville. Ce sera d’ailleurs de plus en plus précieux, avec le réchauffement climatique, de pouvoir se baigner en ville de manière sécurisée.
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24 juin 2021 - Paris