La véloroute Paris - Rouen - Le Havre doit voir le jour en 2020. En attendant, on a défloré le sujet avec une experte, Cécile Diguet, urbaniste à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France.
Pourquoi une véloroute Paris – Rouen – Le Havre ?
Cécile Diguet : Il s’agit de redonner à voir la Seine en tant que grand paysage. Aujourd’hui, c’est un fleuve dont les berges sont difficilement accessibles à certains endroits, compte tenu des industries et des infrastructures (routes, ports, etc) qui s’y sont installées . En cela, cette véloroute n’est pas qu’un nouvel axe de circulation. C’est avant-tout un projet de développement territorial centré sur la vallée de la Seine. Il fait ainsi écho au projet popularisé par l’architecte Antoine Grumbach en 2009, dans le cadre de la consultation sur le Grand Paris, qui consistait à faire de Paris, Rouen et Le Havre une métropole européenne avec la Seine comme rue principale. De cette proposition est notamment née HAROPA, structure regroupant les ports du Havre, de Rouen et de Paris. Aujourd’hui, le transport fluvial est ce qui forge le récit de la vallée de la Seine entre Paris et Le Havre. Pas suffisant pour que le public s’empare de ce territoire qui regorge pourtant de nombreuses richesses, aussi bien naturelles que culturelles et architecturales.
En quoi consiste cette véloroute ?
L’objectif est de tracer un itinéraire de 430 km, balisé et sécurisé, qui suit la Seine entre Paris et Le Havre. Pour autant, une véloroute ne s’apparente pas à une longue piste cyclable. Elle se compose à la fois de voies réservées aux cyclistes, de berges partagées avec les piétons et de voies routières apaisées.
A l’heure actuelle, 47% de l’itinéraire existe. Reste donc à le boucler et à imaginer de nouveaux aménagements pour ses futurs usagers, comme par exemple l’ouverture de barges l’été afin de proposer des services de restauration, de réparation de vélo ou bien encore des bornes pour recharger les vélos électriques. Une appli mobile permettra d’accéder à toutes sortes d’informations utiles pour celles et ceux qui emprunteront ce nouvel axe. Le but est d’inaugurer cette véloroute en 2020. Son tracé ne sera pas pour autant figé. Rien n’empêchera par la suite de l’améliorer. Ce projet est porté depuis 2015 par les agences d’urbanisme de la vallée de la Seine, en partenariat avec l’État et les régions Île-de-France et Normandie, mais aussi par les départements qui sont très impliqués dans sa mise en œuvre.
A qui s’adresse la véloroute ?
Elle s’adresse bien sûr en tout premier lieu aux touristes. Avec 12.000 km de véloroutes, le vélotourisme est actuellement en plein développement en France. La Loire à vélo, qui existe depuis une dizaine d’années, enregistre un succès phénoménal. En 2015, elle a généré 26,5 millions d’euros de retombées économiques, soit 30.000 euros du kilomètre. En moyenne, les cyclotouristes y dépensent 65 euros par jour. On estime entre 10 et 17 millions d’euros par an les retombées économiques pour la vallée de la Seine, avec un tourisme à vélo en pleine extension.
Mais on peut imaginer d’autres usages que le tourisme pour la véloroute Paris – Le Havre. Parce qu’elle dessinera une continuité le long de la Seine, elle créera de nouveaux rapports entre des territoires qui aujourd’hui se perçoivent comme lointains. La Seine à vélo peut être un outil de rapprochement et de connexions entre différents territoires. Par exemple, il existe une base de loisirs à Verneuil-sur-Seine (78). Je ne suis pas certaine que les enfants de Mantes-la-Jolie (78), ville située à 20 km, y accèdent si facilement. Le jour où ils pourront longer les berges de Seine à vélo pour s’y rendre, cela changera leur perception. Nous sommes ici sur un territoire où les infrastructures ferroviaires et autoroutières ont tellement fragmenté l’espace que les choses peuvent paraître plus lointaines qu’elles ne le sont.
Quelles sont les pépites grand-parisiennes révélées par cette véloroute ?
On trouve par exemple Elisabethville (78), une cité-jardin construite à la fin des années 1920 et qui abrite un très beau parc baptisé « Parc du bout du monde ». On y découvre une ancienne plage qui avait été aménagée à l’époque pour le tourisme balnéaire. Plus proches de Paris, Croissy-sur-Seine et Le Vésinet (78) sont des villes -paysages incroyables avec des architectures exceptionnelles. Elles offrent en prime l’accès à des berges assez larges et très végétalisées où il est agréable de se promener. Les rives de la Seine entre Flins et Les Mureaux réservent aussi de belles surprises avec la présence notamment d’anciennes écluses. Enfin, il y a toutes les îles qui jalonnent le fleuve. Toutes ne sont pas accessibles mais il y aura probablement des choses à imaginer. La vocation de la véloroute est, en tous cas, de révéler toutes ces richesses souvent méconnues pour donner une image nouvelle de la vallée de la Seine et en faire une destination à part entière, tout en bénéficiant du rayonnement de Paris.
17 novembre 2016