Peut-être avez-vous déjà connu ce moment d’angoisse : après une visite dominicale au palais de Tokyo ou au musée Galliera, vous vous retrouvez à errer comme une âme en peine dans le 16e arrondissement, en vous demandant où vous allez bien pouvoir déjeuner. C’est sûr que, entre les restaurants avec voituriers et additions à l’avenant et les bistrots attrape-touristes, l’affaire peut sembler assez mal emmanchée.
La solution se trouve pourtant dans une petite rue adjacente au palais de Tokyo. D’un côté, la Seine et la tour Eiffel en gros plan ; de l’autre, une volée de marches qui vous dépose sur l’avenue du Président-Wilson. Et, au milieu : Les Marches justement, un restaurant estampillé « Les routiers ». « Quand mon père, enfant, descendait avec sa mère en vacances dans le Sud, ils s’arrêtaient pour manger dans ces fameux routiers », explique Margot Dumant, la fille du fondateur. Et voilà comment, il y a huit ans, Les Marches ont éclos au beau milieu du 16e. Des relais routiers, il n’en reste plus que quatre dans Paris. Le label s’obtient auprès de la famille de Saulieu, fondatrice en 1934 du magazine Les Routiers et dudit label.
« L’obtenir à Paris nécessite moins de critères qu’ailleurs, raconte Margot Dumant. En province, il faut par exemple proposer des douches ou un parking. Ici, il faut s’attacher à proposer une cuisine française de tradition avec un menu au déjeuner. » En salle, a priori, pas de camionneurs, certes, mais une population plus mixte que celle qu’on a l’habitude de croiser dans le quartier. Le jour où nous venons, l’ex-chanteuse du groupe Brigitte côtoie un père de famille venu déjeuner avec son garçonnet ainsi qu’une tablée de copains sexagénaires. Tout le monde déjeune dans un joyeux brouhaha plus propice à des conversations animées qu’à des confidences amoureuses.
Une cuisine d’inspiration lyonnaise et bourguignonne
« En créant un routier, mon père voulait que les gens sachent le genre de cuisine qu’ils allaient manger, poursuit Margot Dumant. Ici, on donne dans l’œuf mayo, le pâté en croûte… C’est une cuisine patrimoniale, d’inspiration lyonnaise et bourguignonne. Vous voyez les livres de recettes des années 50 ? On est dans cette ligne-là. En ayant allégé les sauces, quand même… » Les amateurs de cuisine bourgeoise et généreuse en auront pour leur argent sans avoir à casser leur tirelire, les plats oscillant entre 15 et 25 €, une gageure dans le quartier.
Voici donc, luisants de beurre et oints de persil, des escargots dans leur coquille calibrée comme une carrosserie de deudeuche. Le rognon est accompagné d’une sauce dijonnaise presque mousseuse. Mais la tradition n’empêche pas le pas de côté : pour le croque-monsieur au vieux comté, le chef Julien Sallée laisse de côté le pain Poilâne, cliché culinaire dont on abuse dans bon nombre de troquets parisiens, et opte pour un pain brioché. Bingo : on a l’impression de croquer dans un soufflé au fromage ! La conscience professionnelle étant ce qu’elle est, on s’aventure du côté des desserts avec des profiteroles dégoulinant d’un chocolat Valrhona qui laisse, en bouche, un léger trait de café – point final idéal du repas.
Il n’en faut de toute façon pas plus. Rien de fake dans ce restaurant-là qui a su conserver l’esprit des lieux – un bistrot ouvert en 1906. La tradition n’est pas surjouée, elle fait partie des murs, à l’instar de la collection de menus qui ornent l’endroit ou de la gentillesse du personnel, attentionné sans être obséquieux. Et en repartant – enfin, soyons honnêtes, plutôt en roulant – vers le métro, on se dit que, oui, définitivement, les routiers sont sympas…
Infos pratiques : Les Marches, 5, rue de la Manutention, paris (16e). Ouvert tous les jours de midi à 14 h 30 et de 19 h 30 à 22 h 30. Tél.: 01 47 23 52 80. Accès : métro Iéna (ligne 9) / gare du Pont de l’Alma (RER C). Plus d’infos sur lesmarches-restaurant.com
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3 février 2022 - Paris