Artdevivre
|

Dormir à la ferme, dans le Grand Paris aussi

Le restaurant de la Ferme des Quatre Etoiles à Auffargis dans les Yvelines qui propose également des emplacements pour camper / © La Ferme des Quatre Etoiles
Le restaurant de la Ferme des Quatre Etoiles à Auffargis dans les Yvelines qui propose également des emplacements pour camper / © La Ferme des Quatre Etoiles

Pas la peine nécessairement de franchir les frontières du Grand Paris pour s'offrir une nuit à la ferme. De la ferme de Pontaly dans les Yvelines au Village Potager en Seine-et-Marne, les agriculteurs franciliens font de l'hébergement à la fois une économie mais aussi une philosophie.

« C’est le week-end/ Finie la semaine/ Allons z’à la campagne ! ». Si vous êtes né au siècle dernier, peut-être vous souvenez-vous de cette chanson de Kent, célébrant de façon un peu ironique la soif de nature des urbains. « Allons z’à la campagne/ Et oublions Paris/ Cherchons à la campagne/ Le vrai sens de la vie. » Et si, finalement, le texte n’était pas si loin de la vérité ? Quand on interroge les agriculteurs et agricultrices franciliens qui ont fait le choix de proposer un hébergement – place de camping, chambre d’hôte, gîte… – au sein de leur exploitation, le même leitmotiv semble revenir auprès de leurs visiteurs : « Nous sommes situés à une demi-heure d’Eurodisney, raconte Pauline Benoist, qui a monté les Gîtes du Grand Beauvoir au Plessis-Placy (Seine-et-Marne). Je crois que nos clients souhaitent surtout se retrouver au calme, à la campagne au milieu des chèvres, des ânes et des poules. »

Cofondatrice du Village Potager à Saint-Pierre-lès-Nemours (Seine-et-Marne), Hélène Falise observe « un besoin viscéral de retour à la simplicité ». Elle évoque le cadre de sa propriété, magique, tout à côté de la forêt de Fontainebleau. « Il y a toujours un de nos hôtes qui, à un moment ou à un autre, va parler de son grand-père qui était lui-même agriculteur et raconter ses vacances à la ferme », poursuit-elle.

Diversifier les revenus des fermes

Se retrouver dans un cadre privilégié, non loin de Paris, avoir de l’espace pour les enfants, profiter de la quiétude de la vie rurale… Côté clientèle, les raisons d’opter pour le séjour à la ferme ne manquent pas. Mais côté agriculteurs ? Qu’est-ce qui a motivé ces hommes et ces femmes à ouvrir les portes de leur ferme au grand public et accueillir des visiteurs pour une ou quelques nuits ? Logiquement, l’hébergement permet de diversifier les revenus. « L’activité agricole n’est plus ce qu’elle était. On n’aurait pas pu tenir sans diversification », confie Pauline Benoist qui a aussi cofondé… une marque de crèmes glacées. Même analyse chez Johanna Koning qui propose camping et gîtes dans sa ferme de Cernay-la-Ville (Yvelines) : « l’agriculture ne générait plus assez de revenus », explique celle dont la belle-famille est présente dans l’exploitation depuis trois générations. Et qui a été assez précurseure puisqu’elle a ouvert un camping dès les années 70.

Pour Cécile Ruèche de la ferme de Pontaly à Bailly (Yvelines), il s’agissait aussi de se créer sa propre activité au sein de l’exploitation. Car, si son mari est agriculteur, elle, après des études d’agronomie, avait œuvré dans la communication. « Quand on travaille en couple, explique-t-elle, c’est important que chacun ait son domaine de prédilection. Cela me tenait à cœur d’avoir mon propre champ d’action. D’autant que l’activité céréalière de mon mari ne supporterait pas deux salaires. » Pour Jean-Baptiste Galloo, éleveur de La Ferme aux Quatre Étoiles à Auffargis (Yvelines), les places de camping qu’il propose permettent de pallier la baisse d’activité de sa boutique de produits fermiers lors de la période estivale. Hélène Falise, elle, a d’emblée inscrit l’accueil dans son projet. Si, dans l’exploitation, le cœur de métier demeure les 15 hectares de maraîchage bio avec plus de 160 variétés cultivées et 5 tonnes de légumes produites par semaine, le Village Potager se voulait « un lieu qui incarne les futurs souhaitables ».

La rencontre de deux mondes

Environnement de détente pour les urbains, source complémentaire de revenus pour les agriculteurs, l’accueil à la ferme se révèle aussi une passerelle entre deux mondes qui se parlent finalement assez peu. Et l’occasion, pour le paysan, de communiquer autour d’une activité souvent mal comprise par les gens des villes. Ce n’est pas toujours du luxe. Cécile Ruèche sourit en évoquant ces « instagrameurs en folie » qui prennent les champs où poussent blé et coquelicots pour un bucolique studio de prises de vues. « Les gens ne connaissent pas la technicité de notre métier, c’est important d’expliquer notre réalité. » Régulièrement, Jean-Baptiste Galloo raconte la sienne à des campeurs véganes plutôt rétifs à l’élevage. Hélène Falise se dit époustouflée par la façon dont, après une visite des champs, « les masques tombent. Nos hôtes se révèlent plus cools, plus détendus. Ils posent davantage de questions. Et nos maraîchers dont le métier est dur, peu valorisé, sont fiers qu’on s’intéresse à leur travail ».

Au gré des séjours, des amitiés se nouent. D’une année sur l’autre, des habitués reviennent. « Cela permet de s’ouvrir au monde tout en restant chez soi, note Cécile Ruèche. Nos enfants jouent avec ceux de nos hôtes, ça fait de sacrées petites bandes ! » Johanna Koning voit quant à elle la même famille revenir depuis deux décennies. « J’ai même des gens qui me disent qu’ils venaient camper ici avec leurs parents et qui, désormais, viennent avec leurs enfants. »

Alors oui, bien sûr, l’hébergement représente du travail en plus. « C’est une astreinte, admet Jean-Baptiste Galloo. Il faut être là tout l’été et toute la journée, on essaie de ne pas laisser traîner le tracteur… En fait, c’est une dimension qu’il faut intégrer au fonctionnement global de l’exploitation. » Malgré cette exigence, l’agriculteur encourage ses collègues à sauter le pas. « Cela constitue une source de revenus non négligeable et c’est une bonne façon de créer du lien entre le monde agricole et le grand public. » Hélène Falise évoque ce groupe de soignants spécialisés dans la petite enfance venus pour un séminaire dans sa ferme. Les professionnels ont évoqué le « syndrome du manque de nature » dont souffriraient de nombreux petits urbains. « Il y a du sens à accueillir à la campagne », conclut-elle d’une voix… ferme.

Infos pratiques : retrouvez les fermes proposant camping, gîtes et chambres d’hôtes en Île-de-France sur bienvenue-a-la-ferme.com

Lire aussi : Ces Franciliens qui partent en camping sans quitter l’Île-de-France

Lire aussi : Huit fermes où faire ses courses dans le Grand Paris

Lire aussi : « Pour certains, le camping va être vécu comme un déclassement. Pour d’autres, comme une amélioration »