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Comment je n’ai pas vu le temps passer au CENTQUATRE

Le Centquatre dans le 19e, sur le site de l'ancien Service municipal des pompes funèbres / © Le Centquatre
Le CENTQUATRE dans le 19e, sur le site de l’ancien Service municipal des pompes funèbres / © Le CENTQUATRE

Ouvert depuis 15 ans dans les anciennes Pompes funèbres de Paris, le CENTQUATRE a su se transformer depuis en lieu de vie. Ce qu'est allée humer le temps d'une journée Joséphine Lebard.

En partenariat avec le CENTQUATRE

Peut-on transformer un lieu à la vocation longtemps funèbre en espace de vie foisonnant ? Pour résoudre cette étrange équation, direction le 19e arrondissement. En lisière des voies menant à la gare de l’Est, le CENTQUATRE y déploie son architecture élégante : halles typiques de l’architecture industrielle de la fin du XIXe siècle et vastes verrières. Difficile d’imaginer que, jusqu’en 1997, le lieu accueillait les Pompes funèbres de Paris avec sa cohorte de corbillards et sa réserve de cercueils. Inauguré en 2008, le CENTQUATRE s’est imposé comme un haut lieu culturel du Nord-Est parisien dans lequel il fait bon passer la journée.

Midi : les portes s’ouvrent et je commence ma déambulation à L’Arabesque, la belle librairie parée d’étagères en bois blond. J’y remarque un rayon Féminisme très riche et, sur les tables, les noms de maisons d’édition moins mainstream que d’habitude comme les éditions Zoé, Les Escales ou Le Bruit du monde. Paru aux Escales justement, je repère Les Chants d’amour de Wood Place, best-seller de l’actrice africaine-américaine Honorée Fannone Jeffers, enfin traduit en français. « Nous essayons de faire découvrir des textes que les gens n’ont pas l’habitude de voir », confirme la libraire, Laëtitia Cazenave. Le vaste espace qui accueille la librairie compte également un corner porté par Kiblind. Cette maison d’édition d’illustrations promeut la risographie (un procédé d’impression écologique) à base d’encres naturelles, afin de proposer des impressions plus écolos. Lesquelles n’en demeurent pas moins joyeuses avec leurs couleurs fluos et leurs thèmes éclectiques entre portrait du rappeur Jul et Kamasutra LGBT friendly. Juste à coté, l’Effet Pap’ permet de faire le plein de produits responsables tels la Parismonade, la limonade made in Nanterre ou les savons Umaï.

En ressortant de la boutique pour gagner le restaurant Grand Central, difficile de ne pas s’arrêter dans l’un des halls. Car, se balader au CENTQUATRE, c’est avoir le sentiment d’évoluer dans une comédie musicale. Si certaines salles peuvent se louer, les vastes espaces publics sont plébiscités comme autant de lieux de répétition. Il n’est donc pas rare d’y croiser artistes débutants comme confirmés : deux danseurs de tango qui revoient leurs pas, un jeune homme qui jongle avec des quilles, une apprentie comédienne qui récite un monologue… Au Grand Central aussi, à quelques tables de la nôtre, Daniel Auteuil, Grégory Gadebois et toute une troupe sont attablés. Dans ce resto à la déco industrielle, carrelé de blanc et de noir, je note que je ne suis pas la seule à déjeuner en solo. L’endroit, vaste, n’est pas intimidant et se prête aussi bien à un déjeuner méditatif qu’à un dîner entre amis. Je louche sur les mafaldine au jambon aux herbes et truffes de mon voisin mais me décide finalement pour le plat du jour à 13,50 € : un mijoté de pois cassés, lentilles, edamame et mozzarella fumée : une assiette veggie particulièrement goûteuse.

La boutique Emmaüs Défi au sein du Centquatre / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
La boutique Emmaüs Défi au sein du CENTQUATRE / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Comme une sorte de Fame géant

Le temps d’avaler un thé et je fonce à la boutique Emmaüs Défi : un magasin vaste et lumineux où on peut chiner vêtements, livres ou bijoux dans un espace particulièrement cosy. Je dégotte un petit top Claudie Pierlot pour 7 € et un pantalon Asos vieux rose pour 15. De quoi se faire plaisir sans provoquer une attaque chez mon banquier. En sortant, je m’offre une pause sous la grande halle : en ce mercredi après-midi, des groupes d’ados s’entraînent, qui au hip-hop, qui au smurf. Comme une sorte de Fame géant et bon enfant.

Mais pas le temps de trop traîner non plus car je veux jeter un œil à l’édition 2023 de Némo, la biennale consacrée aux arts numériques. Dans les vastes espaces qui courent de part et d’autre de la verrière, une kyrielle d’artistes proposent leurs réflexions autour du thème « Je est un autre ? Nos personnalités multiples à l’ère numérique ». Le collectif Maison Autonome propose ainsi un défilé de mode conçu par une IA. Avec Sève élémentaire, Fabien Léaustic s’est lancé dans une composition fascinante élaborée à partir des collections du Muséum d’histoire naturelle de Lille. Bill Vorn, lui, imagine avec Intensive Care Unit, un hôpital où les patients seraient des robots légèrement au bout du rouleau. Le collectif Obvious convoque lui aussi une IA pour lui faire visiter les sept merveilles du monde. Le temple d’Artemis ou le phare d’Alexandrie prennent ainsi vie.

Il est déjà presque 17 h. La tentation de rester est forte. Car le CENTQUATRE propose également une belle programmation de spectacles, conférences, projections et cartes blanches. Mais une vibration de mon téléphone dans ma poche me rappelle à l’ordre. Un SMS : « Tu fé koi ? Té où ? » Ma descendance joue les gardes-chiourme. Je pianote, en faisant l’impasse sur mes yeux qui saignent devant l’orthographe hasardeuse du rejeton : « Au CENTQUATRE. J’arrive ! » Réponse : « Ah ouais ! Cé la où y’a tout ceux qui danse ! Avec le camion à pizzas trop bonne dans la cour! » Quelques secondes plus tard, deuxième SMS, en mode rageux cette fois : « Pourquoi tu fais toujours les trucs cool quand je suis pas là ?????????? » Le résumé est un peu bref mais il prouve une chose : il semblerait que, quel que soit son âge, tout le monde mette 20/20 au CENTQUATRE…

Infos pratiques : Le CENTQUATRE, 5, rue Curial, Paris (19e). Ouvert du mardi au vendredi de midi à 19 h, les week-ends de 11 h à 19 h et les soirs d’événements. Entrée libre. Accès : métro Riquet (ligne 7) / gare Rosa Parks (RER E). Plus d’infos sur 104.fr

La biennale internationale des arts numériques "Nemo" est à voir jusqu'au 7 janvier au Centquatre / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
La biennale internationale des arts numériques « Nemo » est à voir jusqu’au 7 janvier au CENTQUATRE / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

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