Nous sommes sous l’autoroute A1, à mi-distance entre le Stade de France et la basilique Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ici, dans ce non-lieu géographique qui est aussi un non-lieu administratif, vivent près de 2000 personnes, des migrants. Leur habitat ? Des tentes Quechua, posées à touche-touche entre le canal et la route départementale qui longe Saint-Denis sous le pont autoroutier. Il y en aurait mille. Une pour deux personnes. Avec quelques points d’eau et quelques sanitaires alignés le long de la route pour tout confort.
Selon les bénévoles de Solidarité migrants Wilson, une association créée en 2016 pour venir en aide aux migrants, ce sont à 80% des Afghans et quelques migrants issus de la corne de l’Afrique. Il y aurait aussi, peut-être, une dizaine de familles. Mais l’écrasante majorité sont des jeunes hommes entre 15 et 30 ans. Et ce mardi soir 10 novembre la distribution est un peu particulière, à cause des rumeurs du démantèlement imminent du camp. Des bénévoles se relaient au micro pour annoncer en français, en anglais, en farsi, en pachtoune et en arabe, que oui le camp sera bientôt fermé, que la date est inconnue, qu’il ne faut pas se séparer de ses affaires le matin, qu’il faut garder ses papiers sur soi.
« Ce geste de fraternité collective est le fruit du travail de toute une chaîne de bénévoles mobilisés par Solidarité Migrants Wilson »
Pendant ces annonces, la file des hommes progressent tranquillement vers le point de distribution de nourriture. Les bénévoles de Solidarité migrants Wilson sont rejoints par quelques bénévoles d’une association militante liée à un parti politique, et qui ont apporté des desserts. Cela permet d’améliorer l’ordinaire, c’est-à-dire les 70 kg de riz augmentés d’autant de lentilles. Ce qui représente près de 1000 repas, apportés en vélo cargo et en camionnette. Les derniers arrivés auront eu des sandwiches et des fruits, mais à priori personne ne dormira le ventre vide.
Ce geste de fraternité collective est le fruit du travail de toute une chaîne de bénévoles mobilisés par Solidarité Migrants Wilson. D’abord la vingtaine de personnes mobilisée l’après-midi dans les cuisines du théâtre de la Belle Étoile, fief de la compagnie Jolie Môme à Saint-Denis, où ont été cuits et mis en container le riz, les lentilles et du concentré de tomates pour faire un dahl consistant. Et puis les 50 bénévoles qui ont organisé le transport des repas et réalisé leur distribution. Sans oublier les bénévoles de l’équipe de ménage, arrivés à la fin de la préparation des repas, pour remettre la cuisine du théâtre en état. Toute la journée, on a aussi vu passer des voisins déposant de l’eau, des sachets de bonbon, un faitout de pâtes, des sacs poubelles de 100 litres.
Demain, mardi 17 novembre, le campement devrait être évacué. Pour autant, « ces personnes ne vont pas disparaître » soulignent les associations dont l’incroyable organisation aura permis à l’humanité de ne pas capituler.
Lire aussi : Voir le monde autrement depuis chez soi en 30 documentaires avec le Festival Jean Rouch
Lire aussi : La ferme ouverte de Saint-Denis cultive une autre ville
Lire aussi : Dans les quartiers pauvres, investir dans les habitants plutôt que dans les bâtiments
16 novembre 2020 - Saint-Denis