Société
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Saint-Denis. Ma ville est un corps nu.

Saint-Denis vu par Delphine Bommelaer / © Delphine Bommelaer
Saint-Denis vu par Delphine Bommelaer / © Delphine Bommelaer

Directrice de création, Delphine Bommelaer habite Saint-Denis depuis plus de 10 ans. A l'heure où elle se lance dans un tout nouveau projet collectif, "Les Temps modernes", à la fois lieu de travail, de création et d'échange, elle partage avec nous sa vision de ce symbole du 9-3 qu'est Saint-Denis, que tout le monde connaît mais qui traîne de nombreux préjugés.

Delphine Bommelaer, fondatrice des Temps modernes et chroniqueuse « Le Grand Paris vu de Saint-Denis »

Fragile.
La tête nue.
Les pieds sales.
Ecorchée.
Ammochée.
Erraflée.
Cicatrisée.
Scarifiée.
On la regarde.
On la juge.
On lui impose ses contours.
On lui dit qui elle est.
Elle ne ressemble à aucune autre.
Ses viscères sont une alchimie unique.
Les flux qui la traversent circulent dans des espaces inconnus.
Sa pulsation est faite d’arythmies.
Violente et belle à la fois.
Elle est repoussante mais on ne saurait s’en détacher.
Un soleil et ses tensions s’évanouissent,
respiration revient.
On la regarde et on plaque :
des certitudes,
des destins,
des cadres,
et c’est sans issue.
Tu es nue,
tu ne caches rien,
alors on sait.
De l’intérieur pourtant tout est si différent,
les masses s’équilibrent,
la tête rêve,
elle espère,
les idées s’évadent,
il n’y a de cage que celle qu’on nous assigne.
Le cœur écoute,
le foie ne digère pas,
les oreilles entendent, et la langue veut hurler, ou chanter,
à tue,
à tête,
la chance
d’être de ces biscornues là.
De ces autres,
de ces qu’on ne nomme pas.
La peau est rêche,
les traces sont visibles,
par quelques interstices
on devine des failles.
Dans ses failles passe la lumière or et chaude
du feu,
de ce qui bout :
la colère et la vie
sont ici.
Saint-Denis.

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