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Plateau Urbain invente le Airbnb des immeubles vacants

Les Grands Voisins à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e /  © Steve Stillman pour Enlarge your Paris
Les Grands Voisins à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e / © Steve Stillman pour Enlarge your Paris

Il fallait y penser. Mettre en relation propriétaires d'immeubles vacants en attente de reconversion et porteurs de projets n'ayant pas les moyens de payer un loyer au prix du marché. C'est la démarche lancée avec succès depuis cinq ans par les créateurs de Plateau urbain.

Quarante-quatre tours Montparnasse vides, c’est l’équivalent du nombre de mètres carrés de bureaux disponibles en Île-de-France. Une statistique vertigineuse, à l’origine de la création, en 2013, par treize copains urbanistes de la coopérative Plateau Urbain. L’objectif est simple. Il s’agit de faire se rencontrer porteurs de projets (associations, startups, entreprises de l’économie sociale et solidaire, artisans) et propriétaires d’immeubles vacants par le biais notamment d’une plateforme en ligne. “Les bâtiments inoccupés, parfois pendant des années, coûtent chers à leurs propriétaires en frais de gardiennage et d’entretien. Parallèlement à ça, de nombreux projets émergents sont dans l’incapacité de payer un loyer au prix du marché. Avec Plateau Urbain, nous faisons en sorte de mettre à profit les périodes creuses de la vie d’un bâtiment en faisant le lien entre deux mondes qui jusque-là s’ignoraient”, résume Paul Citron, le directeur du développement.

Pourtant, lorsque Plateau Urbain, avec Yes We Camp et Aurore, lance en 2015 les Grands Voisins  entre les murs de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul (14e), le projet a tout d’un ovni pour Paris. Durant deux ans on va trouver sur un même site un bar culturel, une ressourcerie, des espaces de street food, un camping, un sauna, des potagers partagés ainsi qu’un centre d’hébergement d’urgence et des bureaux loués seulement 17€/mois le m², soit moitié moins cher que le marché parisien. Aujourd’hui, le projet a été prolongé dans un format plus restreint en parallèle des travaux de l’écoquartier, appelé à voir le jour sur ce site de 3 hectares. “C’était un crash test démentiel pour nous. Il faut se mettre à la place de la maire de Paris lorsqu’elle a cédé cet ancien hôpital à trois associations, parmi lesquelles seulement Aurore était déjà connue. Plateau Urbain et Yes We Camp n’avaient qu’un an et demi d’existence. La Ville a fait preuve d’audace”, souligne Paul Citron.

Le Wonder-Liebert à Bagnolet / DR
Le Wonder-Liebert à Bagnolet / DR

Un Airbnb des immeubles vacants

Un pari gagnant, les Grands Voisins étant devenus un modèle du genre. « Nous avons inventé une sorte d’Airbnb de la vacance immobilière et fait en sorte qu’occuper des immeubles vides devienne légal en créant une boîte à outils pour l’occupation éphémère”, décrit  dans une interview au Monde Simon Laisney, fondateur et directeur général de Plateau Urbain. Une démarche qui a permis l’ouverture d’une quinzaine de lieux en dehors des Grands Voisins. Porte de Saint-Ouen (17e), L’Eclaircie accueille par exemple 32 structures (artistes, architectes, avocats, labels de musique) jusqu’à fin septembre dans un ancien immeuble de bureau qui doit être reconverti en couvent. A Antony (Hauts-de-Seine), les 17 000 m² de l’ancien siège d’Universal Music vont accueillir, à partir de juillet et ce pendant six ans, un panel d’acteurs innovants issus notamment de la logistique ou de l’économie sociale et solidaire dont l’activité participe à repenser les usages de la métropole grand-parisienne. L’appel à candidatures est toujours en cours.  

Mais loin de se contenter de mettre en relation propriétaires d’espaces vacants et porteurs de projets en recherche de locaux à prix bas, Plateau Urbain fait en sorte de fournir un accompagnement dans les lieux mis à disposition et s’appuie pour cela sur une dizaine de salariés. Chaque convention d’occupation est unique, il ne s’agit pas de dupliquer un modèle d’un lieu à l’autre. “Chaque projet est singulier car défini par les occupants eux-mêmes. Nous leur offrons seulement les moyens de s’exprimer et de s’organiser”, affirme Paul Citron.

La nécessité de rassurer les propriétaires 

Grâce  à un réseau de partenaires solides (experts techniques, juridiques, numériques…), Plateau Urbain possède tous les atouts pour mettre un propriétaire privé ou une collectivité en confiance. Si ces derniers voient bien l’intérêt de pouvoir se faire rembourser les charges liées à leurs bâtiments inoccupés, il peut toutefois subsister certains freins. Mise aux normes techniques, risque juridique, validation politique du projet, l’engagement n’est pas moindre. Et plane toujours la peur, injustifiée mais intrinsèque au statut d’occupation éphémère, que les locataires cherchent à demeurer plus longtemps que prévu. Pour évacuer cette crainte, Plateau Urbain se montre vigilant dans la sélection des occupants. “Tout le monde est le bienvenu, il faut seulement jouer le jeu et ne pas postuler par opportunisme. Ce n’est pas juste un bon plan pour un local pas cher, c’est un lieu de travail et de vie mutualisé où chacun doit s’investir pour apporter sa pierre à l’édifice”, précise Paul Citron. Plateau Urbain prouve en tous cas que l’on peut parier sur l’éphémère et s’inscrire dans la durée.

Plus d’infos sur plateau-urbain.com

Le Nucleus à Ivry / DR
Le Nucleus à Ivry / DR

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