Voilà longtemps que je n’avais plus participé à une manif. L’occasion offerte par la Marche pour les migrants, organisée par l’association humanitaire l’Auberge des Migrants de Calais, était donc trop belle pour que je la laisse passer. Elle allait me permettre de refaire à pied un itinéraire que j’ai emprunté en voiture des centaines de fois gamin, la route Paris – Sarcelles (Val-d’Oise). Sarcelles, j’en suis originaire. C’est là que mes parents et grands-parents avaient emménagé, comme des milliers de familles des quartiers de la Chapelle et de la Goutte d’Or à Paris pour habiter des appartements plus grands, mieux équipés, meilleur marché. Sarcelles est la ville de la migration par excellence. Elle a pris sa part, largement, pour devenir une cité monde comme le sont Ventimille, Marseille, Paris ou encore Saint-Denis. Sarcelles, la ville mosaïque aux 65 nationalités comme nous l’apprenions au lycée, ne s’est pas faite avec des frontières cadenassées comme des portes de prison. Cette marche entre Paris et Sarcelles constitue l’opportunité de porter ce message. Et cela me réjouit.
Un accueil joyeux
Rendez-vous est fixé à 9h Porte de la Chapelle (18e). Au total, nous sommes environ 200 à avoir répondu à l’appel, fanfare comprise en ce jour de fête de la musique. Arrivés métro Front Populaire à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), les ouvriers des nombreux bâtiments en construction – le ciel est criblé de grues de chantier – nous font des signes de la main, se marrent. Ils s’étonnent et se réjouissent, comme la plupart des gens croisés par cette marche partout en France. De fait, comme le rappelle le responsable de la Cimade Île-de-France, l’accueil de la population est bon. La majeure partie des Français est favorable à un meilleur accueil des réfugiés souligne-t-il, une réalité en décalage avec le discours sécuritaire et anti-immigration très largement colporté et amplifié dans le débat public.
« Mais c’est Pittsburgh ici ! »
Sur l’initiative de la Coordination 75 des sans-papiers qui a rejoint la marche, une halte est faite dans un camp de sans-papiers d’Aubervilliers, en soutien à quelques 200 Ivoiriens en attente d’une décision de régularisation. Suivent un pique-nique sur le parvis de la basilique de Saint-Denis. Je croise des gens extras. Des bénévoles des associations locales. Un étudiant algérien avec un titre de séjour de P8. Une clown suisse-allemande. Un prêtre venu avec deux amis. Des humanitaires. Des juristes. Des politiques. Des militants avertis. Et quel bonheur de prendre le soleil dans les paysages urbains de mon enfance. Nathalie, une marcheuse de Paris, qui dit bien connaître à la fois la banlieue et la mobilisation des sans-papiers de Saint-Ambroise, me glisse à l’oreille en arrivant à Sarcelles Lochères: « Mais c’est Pittsburgh ici ! C’est dingue, partout ailleurs les gens rêveraient de vivre dans ces immenses appartements. » A l’arrivée, j’ai rencontré des gens passionnants, appris plein de choses sur l’urbanisme du Nord parisien et la politique d’accueil des migrants. Il reste plusieurs étapes dont celles de Lille le 1er juillet, de Calais le 7 et Londres le 8. Pour les grandes causes, le Grand Paris n’a pas de frontières !
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27 juin 2018 - Paris