À partir du 9 juillet et durant tout l'été, une baignade éphémère sera ouverte dans le canal Saint-Martin à Paris les dimanches. Pour Laurent Neuville, ancien nageur olympique et directeur associé de Sport Swim Organisation, la nage en eaux libres est une façon de se réapproprier l'espace public.
Les 17 et 18 juin derniers, vous avez organisé deux baignades sportives dans le bassin de la Villette à Paris, et vous allez superviser tous les dimanches de juillet et d’août une baignade ouverte à tous dans le canal Saint-Martin. Est-ce enfin le retour de la natation en eau libre en région parisienne ?
Laurent Neuville : Il y a un siècle, les cours d’eau étaient le théâtre de nombreuses épreuves de natation. Quasiment chaque ville de France avait sa propre traversée à la nage. Des traditions qui ont disparu progressivement après la Seconde Guerre mondiale, notamment en raison de l’avènement des piscines dans les années 50. Depuis 2015, avec les Open Swim Stars (OSS), nous organisons de nouveau des épreuves de natation en eaux vives dans les villes. Nous avons d’ailleurs commencé par Paris avec le bassin de la Villette (19e). Et avec le festival « Ménage ton canal » imaginé par Enlarge your Paris, auquel SSO active a participé, nous avons ouvert à titre expérimental la baignade pour tous dans le canal Saint-Martin en 2021 et 2022. Cela a été un tel succès que la Ville de Paris a souhaité que l’expérience soit reconduite plusieurs dimanches en 2023.
Quelles sont les vertus de la baignade dans les fleuves et les rivières du Grand Paris ?
C’est un moyen de se réapproprier l’espace public. Pendant longtemps, nous avons pris nos cours d’eau pour des égouts. Depuis une quarantaine d’années, on retrouve une qualité de l’eau conforme aux exigences sanitaires. Nous souhaitons donc montrer qu’il est possible de se baigner de nouveau dans nos fleuves et nos rivières. Tout comme l’Agence régionale de santé, nous réalisons régulièrement des prélèvements. Et nous n’avons jamais annulé un événement pour raison sanitaire. Il faut vraiment faire tomber les clichés. Un peu de vase, d’herbe, d’alluvions, d’algues… ce n’est pas sale. Quand on ne voit pas le fond, ça ne veut pas dire non plus que l’eau est polluée ! Il y a certes des polluants dans l’eau mais en faibles quantités.
Comment cela se passe-t-il ailleurs en Europe ?
Dans les pays anglo-saxons, notamment en Angleterre, la baignade en eaux vives est un réflexe depuis longtemps. Ils comptent beaucoup d’adeptes qui nagent dans les rivières toute l’année. À Munich, les Allemands descendent les rivières ; en Suisse, les gens se baignent toute l’année dans les lacs et dans le Rhin. En France, ça prend du temps. Les autorités craignent que tout le monde se jette à l’eau et que cela devienne dangereux. Ils redoutent les noyades et les accidents à proximité des écluses.
Quelle est l’attitude à adopter lorsqu’on se baigne dans un cours d’eau ?
Je donne toujours deux conseils en priorité : prévenir qu’on va nager, notamment quand on le fait seul, et toujours avoir une bouée de sécurité. J’ajouterais qu’il ne faut pas préjuger de ses forces et qu’il faut se méfier des risques d’hydrocution, notamment en période de fortes chaleurs.
Remettre la baignade dans les rivières sur le devant de la scène est-il un enjeu pour les Jeux olympiques ?
Montrer que la baignade est possible dans la Seine est le véritable enjeu des Jeux olympiques de Paris. C’est le moment d’informer le public que l’assainissement de la Seine s’accélère. Un important travail a été mené notamment autour de la gestion des eaux pluviales. Le Grand Paris doit permettre de traiter le problème de la pollution de l’eau dans son ensemble. Mais aujourd’hui, il faut le dire : dans un contexte sécurisé, on peut se baigner dans la Seine. Cela fera d’ailleurs partie de l’héritage des JO, nous le savons maintenant.
Infos pratiques : À la suite des éditions 2021 et 2022 du festival « Ménage ton canal » qui ont amorcé la baignade dans le canal Saint-Martin (10e), celle-ci sera ouverte tous les dimanches de l’été, du 9 juillet au 20 août, de 12 h à 16 h, au niveau du bassin des Récollets (116/126, quai de Jemmapes). Des maîtres-nageurs surveilleront la baignade pour s’assurer de la sécurité de chacun. Pour garantir la qualité de l’eau, des contrôles seront réalisés quotidiennement par les équipes de la Ville de Paris, en lien avec l’Agence régionale de santé. Plus d’infos sur mairie10.paris.fr
Lire aussi : Les bénévoles de Kanalien font de la propreté l’affaire de tous
Lire aussi : « L’eau est un bien commun, il ne faut pas faire du bénéfice dessus »
Lire aussi : On est allés voir « Urgence climatique » en famille, la nouvelle expo de la Cité des sciences
4 juillet 2023 - Paris
