Avec Banlie.ue, vous êtes parti ausculter un certain nombre de banlieues européennes. S’agissait-il de décentrer un peu le regard et de sortir du point de vue hexagonal ?
Wael Sghaier : Oui. Je voulais regarder les solutions proposées ailleurs. Et puis, avec la banlieue, l’Europe est l’autre grand sujet le plus maltraité dans les médias. J’avais donc envie de m’en emparer.
Vous êtes allé dans les quartiers de Bratislava, Stockholm, Barcelone… Comment avez-vous fait le « casting » des villes ?
Je me suis servi des réseaux sociaux, dans leur sens le plus noble : à savoir être en lien avec des gens. J’ai aussi regardé les villes dans lesquelles j’étais déjà allé et où j’avais établi des contacts. C’était le cas par exemple à Bruxelles ou à Bratislava. Après, grâce aux réseaux, les choses vont assez vite. J’ai rapidement trouvé des relais à Barcelone et Athènes. Mais, à chaque fois, j’ai décidé de faire des repérages. Je suis venu une fois en amont pour rencontrer les gens et je suis revenu une seconde fois pour le tournage en tant que tel.
Que vous a permis de constater ce tour des banlieues européennes ?
Que la France est un condensé de tous les problèmes qui se posent en Europe. Prenons Stockholm : s’y posent les questions des rixes entre jeunes et de la ségrégation spatiale. En revanche, on place l’art au cœur des quartiers avec des financements spécifiques. À Bratislava, il y a le problème de l’enclavement, mais, en même temps, il n’existe pas cette peur de circuler entre banlieue et centre-ville. Et, comme tout n’a pas été urbanisé, les quartiers sont entourés de forêts.
Au cours de vos pérégrinations, avez-vous rencontré une banlieue « idéale » ?
Non. En revanche, ce qui m’a frappé à chaque fois dans ces quartiers, c’est à quel point l’organisation collective y est plus forte qu’en France. Alors bien sûr, chez nous, il y a du collectif, mais j’ai l’impression qu’on est moins bons dans le fait de « faire quartier ». En revanche, la question commune à tous les quartiers que j’ai visités – en Europe comme en France – est celle de la répression policière. Je l’ai explorée plus particulièrement à Bruxelles mais, franchement, j’aurais pu la traiter partout ailleurs. Le thème de la gentrification revient aussi partout.
Sans vouloir sortir la carte du chauvinisme, y a-t-il selon vous un domaine où les banlieues françaises semblent tirer leur épingle du jeu ?
En matière de culture. Il existe un nombre important de lieux culturels en banlieue. En voyageant, je me suis rendu compte que l’exception culturelle française existait vraiment.
Justement, vous concluez ce voyage par une escale à Pantin et à Romainville en Seine-Saint-Denis. Pourquoi avez-vous souhaité consacrer un volet à la France ?
Cela me tenait à cœur de rendre hommage aux femmes des quartiers populaires. Ce volet en Seine-Saint-Denis me permettait de faire le portrait de Hawa Tourré, cheffe d’un restaurant mais aussi élue municipale à Pantin et responsable associative. Mon but, c’est que ce film soit vu et débattu hors de France. Il était donc intéressant de montrer comment ça se passe chez nous.
Avez-vous d’autres projets de documentaires en lien avec la banlieue ?
J’ai passé un mois dans un EHPAD à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Cela a débouché sur un court-métrage sur le vieillissement dans les quartiers populaires et la place qui y est donnée aux aînés. Et puis, bien sûr, j’aimerais bien continuer ce tour d’Europe. Il me reste encore 21 pays à explorer !
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25 octobre 2023