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« Le changement climatique va transformer la forêt et le paysage franciliens »

La forêt de Fontainebleau en Île-de-France / © ONF
La forêt de Fontainebleau en Seine-et-Marne / © ONF

Les forêts d'Île-de-France, qui reçoivent près de 100 millions de visiteurs chaque année, sont confrontées au changement climatique tout en rendant de nombreux services à la collectivité (production de bois pour l'énergie ou la menuiserie, préservation de la biodiversité...). Michel Béal, directeur de l'agence Île-de-France Ouest de l'Office National des Forêts, nous en parle.

Quelle surface représente les forêts publiques en Île-de-France ?

Michel Béal : Dans une région qui couvre un peu plus d’un million d’hectares, l’Office national des forêts (ONF) entretient et met à la disposition des franciliens 74.000 hectares de forêts domaniales, auxquelles il faut encore ajouter 17.000 hectares appartenant à des collectivités comme la région, des départements et des communes. Au total, cela fait 91.000 ha de forêts, neuf fois la superficie de Paris, presque 10% de la région ! Les forêts domaniales franciliennes sont souvent d’anciennes chasses royales, comme Rambouillet, Fontainebleau, Versailles et Saint-Germain-en-Laye. Au XXe siècle, plusieurs forêts ont été achetées par l’Etat, comme celles de Montmorency (2200 ha dans le Val-d’Oise), de Port-Royal (700 hectares dans les Yvelines), de Notre-Dame (200 hectares entre le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne) et de la Commanderie, un massif de 2.000 hectares au sud de Fontainebleau qui est en cours d’acquisition.

Quel est le pourcentage de forêts privées ?

Les forêts publiques représentent un tiers des forêts franciliennes. La majorité des bois et forêts est donc privé. Ce sont des massifs très morcelés et souvent de petite taille – 96% des propriétaires possèdent une forêt de moins de 4 ha – avec seulement quelques grandes forêts le plus souvent interdites au public. Ces forêts privées se trouvent généralement en grande couronne, alors qu’autour de Paris, près de 90% des forêts sont domaniales. La forêt publique est donc le poumon du Grand Paris et le principal espace vert des Franciliens. C’est aussi le monument le plus fréquenté, avec presque 100 millions de visiteurs par an, dont plus de 10 millions de randonneurs, cavaliers, varapistes, familles et touristes rien qu’en forêt de Fontainebleau !

Dans le contexte de la crise sanitaire, on a beaucoup parlé de la ruée vers le vert des Franciliens…

Juste après le déconfinement, nous étions un peu inquiets car le retour des Franciliens en forêt est intervenu au moment de la naissance des jeunes oiseaux et de la mise bas des chevreuils. Nous avons effectué beaucoup de pédagogie auprès des randonneurs et des touristes et finalement il y a eu plus d’embouteillages de voitures que de dommages à la forêt et à la faune.

Les forêts publiques ne sont pas que des espaces verts XXL. Ce sont des aussi des sites où l’on élève et où l’on coupe des arbres. Comment conciliez-vous ces deux activités ?

En effet, l’ONF a une fonction d’accueil du public mais aussi de production de bois. Autrefois, on produisait du bois pour la Marine nationale, c’était la vocation des grandes forêts royale des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Aujourd’hui, quel que soit le mode de gestion d’une forêt, elle produit trois types de bois. Il y a d’abord le « bois énergie », bûches, plaquettes forestières et granulés de bois. A Saint-Germain-en-Laye et à Cergy-Pontoise, les chaufferies communales utilisent du bois local. Chaque année, pour chauffer ses bâtiments, l’aéroport Charles-de-Gaulle consomme 30.000 tonnes de bois provenant des forêts de l’Oise et du Val-d’Oise. La forêt produit aussi du « bois industrie », qui permet de transformer des branches d’arbres en papier et carton, très demandé notamment en raison de l’essor de la vente en ligne. Enfin, le « bois d’œuvre », prélevé dans les troncs des plus beaux arbres, permet de fabriquer des parquets, des charpentes, des meubles, des instruments de musique ou encore des tonneaux pour le vin.

La forêt de Meudon / © Arseni Mourzenko (Creative commons – Flickr)
La forêt de Meudon / © Arseni Mourzenko (Creative commons – Flickr)

Faut-il forcément couper du bois pour entretenir une forêt ?

Chaque année les arbres grandissent et grossissent, c’est arithmétique et naturel. Prenons l’exemple de la forêt de Meudon qui couvre plus de 1.000 hectares. En un an, les arbres y produisent jusqu’à 4.000 m³ de nouveau bois, dix ans après c’est donc 40.000 m3 de plus. Pour permettre aux arbres de se développer et de se régénérer, il est nécessaire d’en couper. L’entretien d’un massif forestier passe donc par des coupes. Et nous avons besoin de bois. La société, l’économie, ont besoin de bois !  Pour finir sur nos métiers, il faut savoir que nous avons aussi pour mission de protéger la biodiversité. Les forêts sont le principal refuge de la faune et de la flore en Île-de-France. Ce sont dans les forêts que la baisse de la biodiversité a été la plus faible ces dernières années, en comparaison avec les milieux urbains mais aussi agricoles. Notre métier c’est de protéger cette biodiversité, tout en accueillant les Franciliens en quête de nature, et en produisant du bois pour l’économie locale et nationale.

Certains observateurs ont parlé d’une « tempête silencieuse » pour évoquer la sécheresse qui a tué de nombreux arbres et provoqué des feux de forêt jusqu’en Île-de-France…

Je suis forestier depuis 40 ans et pendant tout ce temps j’ai observé l’évolution du climat. Mais je suis frappé par la rudesse et l’impact des sécheresses de 2018, 2019 et 2020. On voit mourir des dizaines d’hectares de pins – arbres réputés résistants – à Fontainebleau, ou encore des chênes en forêt de Saint-Germain-en-Laye. Le changement climatique accélère la prolifération et le développement des « ravageurs ». Les arbres fragilisés par la sécheresse sont plus vulnérables aux parasites et aux insectes, aux attaques de champignons et de pathogènes comme l’encre du châtaignier qui peut faire mourir de soif et de faim un arbre en quelques semaines. Face à cette situation de crise, il n’y a pas d’autre solution que de couper les arbres atteints, malades ou morts, pour que le public puisse aller en forêt en sécurité. Et nous replantons en sélectionnant des essences que nous espérons adaptées au changement climatique, en testant des combinaisons d’essences d’origines diverses. Il est maintenant clair que le changement climatique va transformer la forêt et le paysage franciliens. 

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Entretien réalisé dans le cadre des Rencontres de l’arbre, programme de réflexion, de conférences et d’explorations autour de la place de l’arbre et de la forêt dans l’environnement urbain. Ce programme imaginé par Enlarge your Paris est mené en partenariat avec la Métropole du Grand Paris.