Pourquoi avoir mis en place un Baromètre des villes marchables ?
Denis Cheminade : C’est le Baromètre des villes cyclables, déjà existant, qui nous en a donné l’idée. Nous n’avions pas d’informations sur les piétons et avons donc décidé de le décliner. D’un baromètre à l’autre, on retrouve des préoccupations communes sur les efforts consentis par les villes ou la sécurité. Néanmoins, même si nous n’avons pas fini d’exploiter les résultats, nous constatons que les approches peuvent être assez différentes entre cyclistes et piétons.
Quelles sont les spécificités du piéton ?
On balaye des univers très différents. On va du randonneur à la famille avec enfants en passant par la personne qui va faire ses courses avec son caddie. Le point de rencontre de ces différentes populations, c’est que toutes veulent des cheminements piétons. Mais, ensuite, en fonction de l’âge ou des usages, les besoins divergent.
Que fait apparaître le baromètre ?
Il révèle notamment une volonté que les cheminements piétons ne se limitent pas aux centres-villes et permettent d’aller d’une commune à l’autre. Les piétons aimeraient aussi que la réglementation soit mieux respectée : que les vélos et les trottinettes n’empiètent pas sur leurs espaces, que les voitures ne se garent pas là où ils circulent… Enfin, les marcheurs attendent davantage d’aménagements : des bancs pour se reposer, des toilettes mais aussi des points d’eau potable pour boire au cours de leurs trajets.
Une chose est étonnante dans l’enquête : les randonneurs sont moins sévères dans leurs notations et leur perception de la ville que les piétons du quotidien. Comment l’expliquez-vous ?
Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse définitive. Il va falloir faire une analyse plus poussée des résultats. Mais on peut émettre une première hypothèse. Le randonneur a l’habitude, quand il marche, de contourner les obstacles, de se repérer. Il possède une agilité supplémentaire. Cela montre bien que la marche est une compétence qui s’apprend. Il faut que les gens se la réapproprient, qu’ils redécouvrent cette culture de la marche. Beaucoup de nos concitoyens n’ont plus de représentation mentale de l’espace urbain et ne réalisent pas que les trajets qu’ils effectuent en voiture ou en transports en commun, ils pourraient tout aussi bien les faire à pied.
On constate aussi dans le baromètre que ce n’est pas forcément le fol amour entre les cyclistes et les piétons. Ces derniers sont 54 % à considérer les aménagements cyclables comme dangereux. Dans les grandes villes, ils sont 86 % à estimer qu’il faut séparer les piétons des autres mobilités (vélos, trottinettes…)
Il me semble que c’est ce qu’on appelle « l’habituation ». Il y a quelques années, les vélos n’étaient pas légion en ville. La situation a évolué et les piétons sont en réaction face à ce changement. Mais ce sentiment de relégation n’est pas nouveau : le piéton a d’abord eu le sentiment que la ville était pensée en priorité pour les voitures et, aujourd’hui, pour les voitures et les vélos. Le piéton doit se contenter des interstices. C’est aussi tout l’intérêt du baromètre : donner la parole aux piétons.
Justement, leur parole est plutôt sévère. Paris écope par exemple de la note D. Cela vous étonne ?
Mais ils ne sont pas sévères qu’avec Paris ! Ils le sont avec toutes les villes. Marseille récolte un G. Cela aurait donc pu être pire pour la capitale. Mais oui, effectivement, les piétons sont très critiques. Ils sont 75 % à dire qu’ils n’ont pas perçu, ces deux dernières années, d’améliorations pour la « marchabilité » dans leurs communes.
En Île-de-France, le bon élève semble être les Yvelines, avec un certain nombre de villes classées B. A contrario, la Seine-Saint-Denis affiche des notes assez médiocres. Qu’en déduisez-vous ?
Une chose est claire : il faut de l’argent pour s’occuper du piéton. Notre baromètre reflète le tableau socio-économique de l’Île-de-France. Et ce tableau transparaît dans l’avis des personnes interrogées.
Infos pratiques : les résultats du Baromètre des villes marchables sont à lire ici
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14 septembre 2021