Le mot banlieue a mauvaise presse, associé aux zones d’exclusion, de pauvreté, voire de non-droit. Certains voudraient même abandonner ce terme péjoratif. Pourtant, il est aussi pluriel : il y a des banlieues pauvres mais aussi des banlieues riches. Et d’abord, d’où vient le mot banlieue, et pourquoi l’emploie-t-on ? Contrairement à une idée reçue, c’est un mot ancien qui remonte au XIIIe siècle, c’est-à-dire qu’il est contemporain du renouveau des villes. La banlieue demeure en effet intrinsèquement liée à la ville, dont elle forme, au-delà des faubourgs, les environs nécessaires à son existence. Ainsi, la banlieue est d’abord un objet de pouvoir : c’est le territoire qui entre dans le ressort (le ban) des autorités de la ville de Paris. Pouvoir circonscrit théoriquement à une lieue mais en fait allant d’une à 2,5 lieues.
Cette première banlieue était composée à la fois de villages et de terres cultivées ou boisées, ces secondes ayant plus d’importance que les premiers. Brisant le cadre féodal, elle plaçait ce territoire sous la compétence de l’autorité parisienne, une sorte de première centralisation. Dans son ressort, c’est en partie le droit de la ville qui s’applique, d’où la nécessité de bien la délimiter, ce qui sera fait régulièrement en dressant une liste des communes concernées puis en cartographiant le périmètre. Les cartes montrent une certaine stabilité dans la définition de ce périmètre, qui a perduré même s’il fut progressivement concurrencé par d’autres circonscriptions administratives notamment celles des « élections », subdivisions de la Généralité de Paris créée en 1542.
A la Révolution le concept fut repris mais sous une tout autre forme, celle du département de la Seine, là encore une entité tout à fait spécifique puisque ce département a peu en commun avec les autres, ne serait-ce que sa petite taille. Mais ce département est là pour établir une couronne fonctionnelle et de services autour de la capitale.
La banlieue comme exutoire de la ville
Le terme de banlieue est réapparu au XIXe siècle avec la révolution industrielle et la croissance urbaine. La banlieue est devenue alors une sorte d’exutoire de la ville. Comme elle était gérée en grande partie dans le cadre du département de la Seine, dont la majorité des représentants étaient Parisiens et que l’exécutif était aux mains de l’Etat via le préfet, les communes limitrophes avaient peu à dire et se voyaient imposer tout ce que la ville ne voulait plus dans ses murs.
Toutes les villes ont une densité et un niveau de fonctions qui décroît du centre vers la périphérie, de la ville vers la campagne en passant par la banlieue. Mais dans la plupart, cela se fait de façon progressive, et aucune ne montre une transition aussi brutale que Paris de part et d’autre du périphérique. Ce n’est ni la suppression du mot banlieue ni celle du boulevard périphérique qui changeront cette réalité, mais tout un ensemble de mesures qui transformeront cette rupture en simple gradient. Des mesures ébauchées mais qui sont encore au milieu du gué et pas toujours faciles à poursuivre : rapprochement institutionnel entamé avec la Métropole du Grand Paris mais qui reste une fédération où la plus grosse commune est 20 fois plus peuplée que la deuxième ; accessibilité améliorée par les tramways et le Grand Paris Express mais qui se heurte aux contraintes financières ; densification encouragée par le SDRIF (Schéma directeur de la Région Île-de-France) mais qui doit être conduite avec discernement ; centralité fonctionnelle commencée avec des équipements tels que le Stade de France à Saint-Denis, le Mac Val à Vitry ou la Seine musicale à Boulogne, mais qui n’a d’avenir qu’en zone dense.
La perception d’un espace commun, au-delà de la coupure Paris-banlieue, tient aussi à sa vision physique. Il reste à aménager les avenues (radiales) et les boulevards (rocades et tangentielles), qui traversent tout le Grand Paris, pour lesquelles toute une réflexion est en cours. Et il s’agit de mettre en valeur les belvédères métropolitains, souvent moins connus que Montmartre. Et c’est enfin toutes les initiatives de la base, individuelles ou portées par des associations telles que Le Sentier métropolitain du Très Grand Paris, qui en fédérant les Grand-Parisiens contribueront à changer les regards réciproques.
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25 février 2019