Exploiter les espaces en friche des villes. C'est l'ambition de la Sauge, Société d’agriculture urbaine généreuse et engagée, qui ouvre ce 20 mai la Prairie du canal, une ferme urbaine installée le long du canal de l'Ourcq à Bobigny. Nous avons rencontré Swen Déral, l'un de ces paysans citadins.
Bobigny, sa bourse du travail signée Oscar Niemeyer, son canal, sa maison de la culture flambant neuve et maintenant sa ferme écologique et éphémère (FEE). Samedi 20 mai, la Sauge, Société d’agriculture urbaine généreuse et engagée, ouvre La Prairie du canal sur le terrain de l’ancienne usine MBK. Conçue pour être itinérante, elle a pour but de combler les “délaissés urbains” et de permettre aux villes d’être plus résilientes en rendant un peu de leur autonomie alimentaire aux habitants. “On a tout mis en oeuvre pour être le plus éco-responsables possible. Toutes nos installations sont faites à partir de matériaux de récupération et qui sont réversibles, c’est-à-dire réutilisables à nouveau, biodégradables ou compostables. L’exception c’est le terrain de pétanque, pour lequel il nous a fallu importer deux sacs de sable, précise Swen Déral, co-président de l’association. Quant au parti pris de déplacer la ferme régulièrement, c’est une sécurité. On sait que l’on trouvera toujours un terrain pour nous accueillir et cela nous laisse une certaine indépendance face aux mouvances politiques des communes. De plus, cette mobilité rassure les mairies qui peuvent s’engager sans le risque d’une occupation qui s’éternise.”
Subventionnée à hauteur de 20.000€ par la communauté d’agglomération Est Ensemble, l’équipe de la Sauge n’a pas choisi la banlieue par hasard. “Paris héberge des projets d’agriculture urbaine exemplaires mais l’enjeu est en banlieue, assure Swen. Nous sommes particulièrement attentifs au passé maraîcher de l’Île-de-France ». Ruche, hôtel à insectes, houblonnière, poulailler, forêt mobile de plantes sauvages, légumes anciens cultivés dans de la paille, herbier médicinal… Les productions de la FEE sont variées. A cela s’ajoute un service de restauration dont 50% de la carte provient de l’agriculture urbaine locale. Vous pourrez déguster par exemple un kebab aux pleurotes ou un burger végétarien, grâce notamment à la start-up La boîte à champignons.
L’ère nouvelle du consom’acteur
La Prairie entend servir également de source d’inspiration en proposant des sessions Do It Yourself ainsi que des ateliers de sensibilisation à la consommation équitable. Une manière de démocratiser l’agriculture urbaine, même si certains craignent de voir le marketing s’engouffrer. “Ce n’est pas un souci que des entreprises y voit un vrai potentiel business, au contraire ! Tout projet qui participe à offrir une solution alternative au système industriel va dans le sens d’une transition énergétique positive, estime Swen. En revanche, je suis outré quand Carrefour annonce qu’ils vont créer leur propre réseau de fermes urbaines et végétaliser leurs toits. Ça c’est du marketing pur de la part d’un géant de l’industrie qui, comme Total avec l’énergie solaire, va prendre le monopole du marché et écraser les initiatives locales qui elles portent de véritables convictions.”
Le succès des AMAP, potagers partagés et autre Ruche qui Dit Oui laisse toutefois entrevoir une crise de confiance entre les consommateurs et l’industrie. “Les gens ont pris conscience que l’industrie agro-alimentaire était néfaste à leur santé. Ils ne veulent plus se faire berner et choisissent de devenir consom’acteur.”
Une ferme ouverte sur le quartier
Du côté de la ville de Bobigny, on a accueilli chaleureusement le projet, qui dispose d’une convention d’occupation de deux ans. Pour ne pas être dans une démarche hors-sol réservée aux happy few, un “jardin des riverains”, constitué avec dix jeunes du quartier, a été mis en place. Durant tout l’été, ces ados et leurs familles vont pouvoir cultiver leur jardin et ainsi apprendre les méthodes de l’agriculture urbaine. La ferme sera également également ouverte aux centre de loisirs de la ville qui la feront visiter aux enfants. “Le jardinage facilitent les échanges intergénérationnels. Les plus âgés y ont encore une parole d’autorité par rapport aux jeunes car c’est dans leur culture, là où notre génération s’est malheureusement éloignée de cette pratique bienfaitrice”, témoigne Swen. Le respect, ça se cultive.
Infos pratiques : La Prairie du canal, 55 rue de Paris, Bobigny (93). Ouverture de 11h au coucher du soleil tous les week-ends du 20 mai à mi-octobre. Le plus rapide est d’y accéder à vélo (20 mn depuis la place Stalingrad). En métro : ligne 5, arrêt Pantin Bobigny Raymond Queneau puis 15 mn de marche. Plus d’infos sur www.canalprairie.fr. Le programme du week-end d’ouverture des 20 et 21 mai est à retrouver sur Facebook. Et réservez d’ores et déjà votre dimanche 4 juin pour un parcours Flore Boyard
19 mai 2017 - Bobigny