Pourquoi avoir choisi de détourner des affiches et des slogans publicitaires pour parler de racisme ?
Ali Guessoum : L’objectif est de déconstruire les clichés racistes et les discriminations en tout genre, dont beaucoup prennent appui dans l’histoire coloniale qui a cimenté, dans la mémoire collective, une vision racialisée des rapports humains. Cette posture, qui voyait dans les populations colonisées des peuples supposés inférieurs, a marqué la vision que l’on avait des indigènes et que certains ont encore aujourd’hui des personnes issues de l’immigration. En détournant des affiches et des slogans publicitaires avec humour, je tente de faire comprendre au public la naissance de ces stéréotypes et de mettre en valeur les identités plurielles et la contribution de l’immigration au roman national.
Quelle est la force de l’humour d’après vous ?
La problématique du racisme a trop longtemps été abordée avec une approche victimaire et misérabiliste ; or seuls l’humour et la poésie permettent d’offrir une analyse distanciée, sans perdre de vue l’essentiel. Les Temps modernes de Chaplin ont, à mon sens, été beaucoup plus utiles pour comprendre la mécanique et les dérives du capitalisme que la lecture du Capital de Karl Marx. Charlie Chaplin a eu l’intelligence et la finesse de vulgariser et de rendre accessible un propos dramatique. Je m’inscris dans cette lignée et souhaite sortir du climat de confrontation et de clivage dans lequel nous baignons en permanence en trouvant le ton juste, les bons mots pour initier un dialogue et une remise en question. J’espère ainsi transformer la colère en couleur.
Pourquoi avoir choisi Saint-Ouen comme nouvelle étape de cette exposition itinérante ?
Cette exposition est née il y a une dizaine d’années et a accueilli, au cours de son périple, plus de 100 000 visiteurs. Je mène un projet de longue date avec le département de la Seine-Saint-Denis. Nous avons monté en 2018 une grande exposition à Bondy sur la contribution des soldats coloniaux à la Première et à la Seconde Guerre mondiale, puis un festival du rire à La Courneuve qui visait à montrer comment l’humour a été un levier pour dénoncer le racisme. Cet événement sera renouvelé cette année dans la ville de Stains.
Infos pratiques : exposition « Y a pas bon les clichés » à la friche Mains d’œuvres, 1, rue Charles-Garnier, Saint-Ouen (93), du 1er au 22 octobre. Ouvert tous les jours de 14 h à 20 h. Gratuit. Soirée de vernissage « Les Arabes du futur » le 1er octobre de 18 h à minuit. Accès : métro Garibaldi (ligne 13). Plus d’infos sur mainsdoeuvres.org
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26 septembre 2021 - Saint-Ouen