Qu’est-ce qui a motivé la mise en œuvre de cette exposition consacrée à la représentation des territoires franciliens ?
Léa Mosconi : Nous avons commencé à réfléchir à la question à l’occasion des vingt ans de la Maison de l’architecture Île-de-France. Nous souhaitions montrer à la fois la diversité et la complexité de ce territoire. Or, sur le Grand Paris, il existe déjà de nombreuses études, des diagnostics. Tout cela avait été montré et nous voulions passer davantage par l’anecdote et le récit. Nous avons donc demandé à vingt architectes, artistes, plasticiens, de nous parler d’un lieu francilien, connu ou pas. À partir de là, nous nous sommes demandé comment parler à un public un peu large. Le dessin nous a semblé un bon médium pour constituer une clef d’entrée à la Maison de l’architecture où, habituellement, on montre beaucoup de plans ou de maquettes.
Pour vous, l’imaginaire francilien existe-t-il réellement ? Personne ne se définit comme Francilien…
Cet imaginaire existe mais il est marqué par son hétérogénéité. En tout cas, il possède une vraie force. Je pense à la représentation de l’A 86 par Bastien Ung. Ayant moi-même grandi non loin de la porte d’Ivry où se trouve un important échangeur, je me souviens comme ce repère m’a marquée, enfant. Il me semble qu’en fait cet imaginaire vient bousculer celui d’un Paris un peu muséifié.
Quand on voit les lieux représentés dans l’exposition, ils racontent aussi ce déplacement des artistes vers la périphérie. Et parlent donc, en filigrane, d’une géographie de la gentrification…
Ce mouvement, qui a de nombreuses implications sociales, a été très étudié par les sociologues. Mais, effectivement, plusieurs des artistes invités ont témoigné de cet éloignement de la capitale. Finalement, ce que je trouve particulièrement intéressant, c’est que beaucoup sont « multipositionnés ». Ils peuvent habiter en banlieue, enseigner dans des écoles situées dans une autre ville et prendre part au comité de rédaction d’une revue dont le siège est situé dans le 6e arrondissement.
Dans l’exposition, la dimension urbaine de l’Île-de-France est très présente. Or le territoire se compose de 50 % de terres agricoles et de 25 % de forêts. Donc de « seulement » 25 % de zones urbaines…
On a fait le pari de se dire qu’on laissait faire les artistes invités. Je ne vous cache pas qu’on a craint de n’avoir que de l’intra-muros ou de la première couronne. Effectivement, l’ensemble de la production est très urbain et cela nous a interrogés. Si on avait proposé la démarche à des paysagistes, en aurait-il été autrement ? Pour autant, la représentation de l’A 86 par Bastien Ung ne rentre pas dans les stéréotypes. De même, quand MBL considère la question de la déambulation urbaine à hauteur de chien, cela crée un décentrement.
L’exposition met au jour le fait que ces territoires franciliens ont une histoire. Qu’ils ne peuvent se résumer à l’émergence des grands ensembles, à l’accélération de l’urbanisation. Quand, par exemple, Meudon est évoqué aussi bien à travers la maison de Gustave Rodin que la production du fameux blanc de Meudon…
Effectivement, c’est important que ces territoires s’inscrivent dans le temps. Un imaginaire collectif repose sur une mémoire, un héritage. Or Paris a tendance à absorber beaucoup le caractère historique et, finalement, à neutraliser le reste…
Pour vous, cet imaginaire permet-il de renforcer une identité commune ?
Il le peut, tout en acceptant les diversités qui existent sur le territoire. Prenons l’exemple de l’imaginaire parisien : il est fort car il permet la coexistence d’imaginaires variés. L’imaginaire autour de Montmartre n’est pas celui autour des arènes de Lutèce par exemple. En Île-de-France, le piège pourrait être d’implanter partout le même genre de gares, de dessiner les mêmes abords de ville. Or, pour faire de grands récits communs, il faut accepter qu’il existe en leur sein des « mini-récits » qui aient leur propre identité. Et qu’il ne faut surtout pas lisser…
Infos pratiques : exposition « Dessiner les paysages franciliens » à la Maison de l’architecture Île-de-France, 148, rue du Faubourg-Saint-Martin, Paris (10e). Du 4 janvier au 15 mars. Ouvert du lundi au vendredi de 10 h à 18 h. Entrée libre. Accès : métro Gare de l’Est (lignes 4, 5, 7). Plus d’infos sur maisonarchitecture-idf.org
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26 décembre 2024 - Paris