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Les océans se racontent au CENTQUATRE-PARIS

L'exposition « La Grande Expédition, Tara, l'art et la science pour révéler l'Océan » est à voir jusqu'au 2 mars / © Quentin Chevrier
L’exposition « La Grande Expédition, Tara, l’art et la science pour révéler l’Océan » est à voir jusqu’au 2 mars au CENTQUATRE-PARIS / © Quentin Chevrier

Face à la crise climatique, nous sommes tous dans le même bateau. Ce qu'illustre l'exposition du CENTQUATRE-PARIS qui dévoile les œuvres de plus de 40 artistes ayant embarqué à bord de Tara, la goélette qui sillonne les océans du monde entier avec à son bord des marins, des scientifiques et des artistes.

En partenariat avec le CENTQUATRE-PARIS

Vingt ans. Deux décennies que la goélette Tara sillonne les eaux du globe pour étudier l’océan et sensibiliser à sa beauté, sa fragilité et surtout son importance. Portée par la fondation Tara Océan, créée par la styliste Agnès B. et de son fils Étienne Bourgois, Tara a pris l’habitude d’embarquer à son bord scientifiques, marins mais aussi artistes en résidence. Une démarche retracée au sein de « La Grande Expédition », l’exposition présentée au CENTQUATRE-PARIS (19e) jusqu’au 2 mars qui restitue la façon dont écrivains, peintres, vidéastes ont mené ce dialogue entre la science et les arts.

Une chose est sûre : le dialogue en question est fructueux. L’expo se décline autour de quatre grands thèmes : le vivant, les pollutions, les paysages et le sensible auxquels s’adjoint tout un pan consacré aux carnets de voyage conçus par les artistes durant leur résidence à bord. Le dessinateur Yann Bagot imagine cette discussion avec l’océan de la plus poétique des façons. Ses dessins de la Baltique sont en effet réalisés à partir d’un mélange d’encre de Chine et d’eau de mer, comme pour relier l’œuvre à son lieu de création. On reste aussi interdit face à La Couleur de l’eau de Nicolas Floc’h. L’artiste réalise comme une sorte de Pantone aquatique, reproduisant toutes les nuances des flots, d’une teinte presque rouille au vert émeraude. Cécile Fouillade-Siqou façonne, en sculptures de porcelaine, la faune subaquatique, soulignant avec l’usage de ce matériau leur délicatesse et leur fragilité. Il en résulte un étonnant mobile qui n’aurait pas déparé dans la cabine du capitaine Nemo. Avec Les Particules, Manon Lanjouère nous sensibilise à une vie sous-marine menacée par le plastique. Par un troublant procédé, elle représente ces déchets comme s’il s’agissait de micro-espèces marines. Des pailles échouées dans l’océan deviennent ainsi des Tubularia Indivisa quant à une guirlande de Noël (oui, on trouve de tout au fond des mers…), elle, est renommée Apolemia Lavosa.

Les conversations des phytoplanctons

La pollution, justement, est au cœur de l’une des sections de l’exposition. Avec la bien nommée série Les Larmes des sirènes, le photographe Samuel Bollendorff met en regard des vues paradisiaques prises lors de sa traversée à bord de la goélette Tara avec des échantillons de plastique prélevés sur la zone. Robertina Sebjanic, elle, s’intéresse, via une étonnante installation, Echoes of the Abyss, à une forme de pollution à laquelle on ne pense pas : les armes jetées au fond des océans.

Avouons-le, la salle que nous avons préférée est celle dévolue au sensible. Et plus particulièrement la Conversation métabolite imaginée par Antoine Bertin. L’artiste reproduit ni plus ni moins que… les conversations qu’ont entre eux les phytoplanctons. Tout en contemplant une flaque de verre traversée par la lumière, on écoute, les yeux clos, ces discussions aussi étranges que poétiques. Les yeux clos, c’est aussi ainsi que se présentent à nous les membres de l’équipage de Tara dans le film Une Odyssée réalisé par Malik Nejmi. L’artiste leur a demandé de rester une minute trente ainsi et de laisser venir à eux des images mentales. Des plans de la mer et la lecture d’un poème parachèvent le procédé. Au CENTQUATRE-PARIS, face à ces installations, de nombreux visiteurs choisissent eux aussi de clore leurs paupières, prêts à plonger dans ces étonnants voyages immobiles.

Le "Ballet du plancton" par Christian Sardet et les Macronautes / © Quentin Chevrier
Le « Ballet du plancton » par Christian Sardet et les Macronautes / © Quentin Chevrier

Une carte marine dans laquelle se plonger

Ils ont néanmoins la bonne idée de les rouvrir pour l’ultime escale de l’exposition, celle des carnets de voyage. Le collectif Ensaders propose une splendide carte marine à l’instar de celles figurant dans les livres d’explorateurs des siècles passés. Lola Reboud photographie des méduses qui induisent une confusion poétique entre les fonds marins et la voie lactée. Quant à Arianna Pace, elle fixe à l’aquarelle les mille formes des vagues, tantôt épines sur le dos de l’océan, tantôt rondes et voluptueuses.

On regagne la terre ferme, encore chamboulé tant par le mal fait à la mer que par la beauté des océans. Deux tensions que les œuvres mettent en relief et qui, forcément, laissent dans le cœur, un étrange sentiment. Avec, néanmoins, une certitude : La Grande Expédition nous a définitivement embarqués. Et nous a fait voguer loin.

Infos pratiques : exposition « La Grande Expédition, Tara, l’art et la science pour révéler l’Océan » au CENTQUATRE-PARIS, 5, rue Curial, Paris (19e). Jusqu’au 2 mars. Ouvert du mercredi au dimanche de 14 h à 19 h / ouvert les mardis des vacances scolaires de la Zone C. Tarif : de 4 à 8 €, gratuit pour les moins de 6 ans. Accès : métro Riquet (ligne 7) et Stalingrad (lignes 2, 5 et 7) / gare Rosa Parks (RER E). Plus d’infos sur 104.fr

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