Comment est née l’idée de l’exposition Interstellaire ?
Alexandre Poncet : Le Centre des arts d’Enghien (Val-d’Oise) a créé et accueille le Paris Image Digital Summit, un événement d’importance dans le monde des effets spéciaux. Dominique Roland, son directeur, m’a appelé pour mettre en place une exposition. Je lui ai proposé de puiser dans les collections du Musée miniature et cinéma de Lyon, fondé par Dan Ohlmann, miniaturiste lui-même, qui a rassemblé une collection de plus de 1 000 pièces dont un certain nombre sont consacrées aux films spatiaux. Dan les a chinées avec son équipe ou les a obtenues directement en contactant les studios. C’est un patrimoine mésestimé et pourtant étonnant. Il est passionnant de comparer une miniature dans le réel et la façon dont elle apparaît à l’écran. Je pense par exemple à la miniature d’environ 30 cm d’un vaisseau de 2001, l’Odyssée de l’espace… Si on la regarde bien, on voit les éraflures et la peinture écaillée qui témoignent de la façon dont elle a été accrochée.
Pourquoi axer l’exposition sur les films en rapport avec l’espace ?
Parce que nous nous trouvons dans une époque qui voit se dérouler une nouvelle guerre des étoiles – cela n’avait pas été le cas depuis longtemps – avec l’entrée en jeu d’industriels comme Jeff Bezos, Elon Musk ou Richard Branson. Mais aussi parce que nous avons, avec Thomas Pesquet, un astronaute très identifié par le grand public. Bref, cela a du sens dans la période actuelle. Et puis ça me permettait aussi de parler de quelque chose qui me tient à cœur : ce moment de bascule, dans les années 90, où on passe des effets pratiques – le maquillage, les animatronics, les maquettes – aux effets numériques. Cette évolution des effets spéciaux a un impact, encore aujourd’hui, sur ce qu’on demande aux images, sur notre façon d’envisager les fake news, sur nos réactions face à l’actualité. Cela permet à chacun de se poser des questions sur son propre regard.
Pouvez-vous revenir sur ce moment de bascule qui s’est produit dans les années 90 ?
Le point de rupture, cela a été Jurassic Park. C’est le premier film où les effets visuels sont 100 % photo-réalistes. Auparavant, il y avait comme un pacte entre le spectateur et le réalisateur sur le mode « je crois ce que tu me donnes à voir ». Dans les années 90, le numérique n’est pas encore assez évolué pour qu’on se passe totalement des effets pratiques. Pour autant, les choses bougent. Par exemple, pour Mars Attacks, nous montrons dans l’exposition la miniature d’extra-terrestre qui aurait dû être utilisée en stop motion. Sauf que, finalement, Tim Burton a décidé de faire appel aux images de synthèse.
Parmi les pièces que vous présentez, y en a-t-il qui vous touchent particulièrement ?
Il y a cette miniature tirée de Mars Attacks dont je vous parlais. Pour moi, avec Starship Troopers, ce sont les deux grands films politiques des années 90. D’ailleurs, nous présentons un costume issu de ce dernier. Tout comme nous exposons le costume d’un extra-terrestre de Rencontres du troisième type. Nous avons aussi la miniature utilisée en préproduction de la créature d’Alien, qui permettait de tester les angles de vue de la caméra. Enfin, nous allons accueillir Rob Legato, créateur des effets spéciaux pour Apollo 13, Titanic ou encore Harry Potter, qui va venir donner une masterclass le 28 janvier. Les fans pourront retrouver dans l’expo les lunettes d’Harry Potter !
Infos pratiques : exposition « Interstellaire. Cinéma et effets spéciaux » au Centre des arts d’Enghien-les-Bains, 12-16, rue de la Libération, Enghien-les-Bains (95). Du 14 janvier au 8 avril. Fermé le lundi. Entrée libre. Accès : gare d’Enghien-les-Bains (ligne H). Plus d’infos sur cda95.fr
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12 janvier 2022 - Enghien-les-Bains