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Le Superposeur provoque la rencontre entre le Paris d’aujourd’hui et celui du 7e art

Le banc de l'avenue de Breteuil à Paris où s'assoient Jean-Pierre Léaud et Claude Jade à la fin de Baisers volés de Truffaut / © Le Superposeur
Le banc de l’avenue de Breteuil à Paris où s’assoient Jean-Pierre Léaud et Claude Jade à la fin de Baisers volés de Truffaut / © Le Superposeur

Passionné par le cinéma et notamment les films tournés à Paris entre la fin des années 60 et les années 80, le Superposeur traque les décors parisiens dans lesquels les réalisateurs ont plongé leurs personnages. Il en tire des superpositions à voir sur Instagram et jusqu'au 14 janvier au cinéma le Louxor.

Comment avez-vous eu l’idée de superposer des photos de film sur les lieux exacts où ils ont été tournés ?

Le Superposeur : En fait, le concept original n’est pas de moi. Il y a environ dix ans, je suis tombé sur une série de photos de la Libération de Paris qui avaient été repositionnées dans leur paysage d’aujourd’hui. Ce travail de superposition du passé et du présent m’a donné des idées. J’ai commencé par une série issue de l’album de photos familiales en reproduisant la photo de mariage de mes parents en 1968 que j’ai tendue devant l’église où il avait eu lieu. Ensuite, j’ai essayé de le refaire à Paris avec des photos de ma propre enfance mais ça ne marchait pas…

Comment êtes-vous passé aux scènes extraites de films ?

J’ai toujours été passionné par le cinéma, notamment par les films tournés à Paris entre la fin des années 60 et les années 80. J’ai commencé avec Peur sur la ville d’Henri Verneuil, la scène où Belmondo est sur le métro aérien entre Bir-Hakeim et Passy. D’ailleurs, ce fameux pont de Bir-Hakeim, on le retrouve souvent au cinéma. Que ce soit dans Un dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci ou encore Inception de Christopher Nolan en passant par Zazie dans le métro de Louis Malle. Il faut dire que le pont est très beau, très « instagrammable » comme on dit aujourd’hui avec la tour Eiffel à l’horizon. Et puis il y a cette perspective sous les arcades d’un bout à l’autre du pont…

Y a-t-il d’autres lieux parisiens qui reviennent régulièrement dans les films ?

Les Champs-Élysées sont un autre grand classique. On les retrouve dans À bout de souffle de Godard, La Vérité de Clouzot et même Le Silence de la mer de Melville.

Comment faites-vous pour retrouver les lieux de tournage ?

Comme je vous le disais, j’ai grandi à Paris, donc je connais plutôt bien la ville. Ensuite, il y a des forums sur Internet pour retrouver les endroits. Si je sèche, j’appelle à la rescousse un ami architecte qui a une très bonne connaissance du bâti parisien. Par exemple, je séchais sur une scène des Nuits de la pleine lune de Rohmer. Sur la photo, tout à fait à l’arrière-plan, mon ami a reconnu la Poste du Louvre. À partir de là, on a réussi à deviner que la rue où avait été tournée la scène était la rue Jean-Jacques Rousseau.

Le pont de Bir Hakeim dans une scène de Zazie dans le métro / © Le Superposeur
Le pont de Bir Hakeim dans une scène de Zazie dans le métro / © Le Superposeur

Qu’est-ce qui fait qu’une superposition fonctionne ?

Il faut qu’il y ait un minimum de correspondance entre le passé et le présent. Je me souviens d’une superposition que je voulais faire à partir du film Le Samouraï de Jean-Pierre Melville, à la station de métro Pré-Saint-Gervais. Le problème, c’est que l’environnement avait trop changé. Et puis, il faut avoir de la chance. Cela fait plusieurs fois que j’essaie de prendre la photo d’un hôtel du côté de Panthéon dans lequel entre Jean-Louis Trintignant dans Le Mouton enragé de Michel Deville. J’y suis allé plusieurs fois et, à tous les coups, il y a un camion garé pile à l’endroit où je devrais faire ma superposition. Ce travail, c’est aussi une course contre le temps, les immeubles démolis, les travaux… Je voulais faire par exemple une superposition, rue Stephenson, de l’immeuble où habite Brigitte Bardot dans La Vérité. Le jour où je me décide à la faire, voilà que la bâtisse est entourée de palissades de chantiers. Heureusement, je crois qu’elles ne devraient pas tarder à être enlevées…

Que disent vos photos de l’urbanisation de la capitale ?

Que ce n’est pas dans les endroits où on s’attend à être le plus surpris qu’on l’est… et inversement. Prenons les Champs-Élysées : on se les imagine comme une grande avenue plutôt immuable. Or il y a plein de galeries qui n’existent plus, des cinémas qui ont été remplacés par des boutiques… Je voulais reproduire une scène des 400 Coups où Jean-Pierre Léaud et son ami volent une machine à écrire. Impossible : même certaines entrées d’immeubles avaient disparu. A contrario, la scène finale de Tchao pantin de Claude Berri n’a pas été difficile à refaire. La petite rue et la cour d’immeuble où elle a été tournée dans le XXarrondissement étaient demeurées identiques. C’en était vertigineux. Même chose pour la cour d’immeuble de la rue de Sèvres dans laquelle Jean-Pierre Léaud teint des fleurs dans Domicile conjugal de Truffaut. Le film aurait pu être tourné la veille !

Y a-t-il une photo qui vous tient particulièrement à cœur ?

Celle du banc de l’avenue de Breteuil où s’assoient Jean-Pierre Léaud et Claude Jade à la fin de Baisers volés de Truffaut. Pour moi, c’est le banc le plus mythique de Paris ! Alors que, pour la plupart des gens, c’est juste l’endroit où on va relacer ses chaussures ou donner son goûter à son enfant. Mais pour moi, c’est un monument national dans mon panthéon personnel. J’ai attendu six mois pour faire la photo à la saison correspondant à celle du film. Ma démarche reste un hommage au cinéma. Si cela peut attiser la curiosité des gens, alors mon but est atteint.

Infos pratiques : exposition « Le Superposeur » dans le salon du cinéma Le Louxor, 170, boulevard de Magenta, Paris (10e). Accès : métro Barbès-Rochechouart (lignes 2 et 4). Accès libre jusqu’au 14 janvier aux heures d’ouverture du cinéma. Vous pouvez découvrir le travail du Superposeur sur Instagram. On adore : le bar du Louxor, comme dans la chanson, si ce n’est qu’on n’y danse pas mais qu’on y mange des produits locaux et de saison. Ouvert du lundi au vendredi de 18 h à 23 h, le samedi de 17 h à 23 h 30 et le dimanche de 13 h à 20 h. Plus d’infos sur cinemalouxor.fr

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