Dans quel contexte est né le Point Fort ?
Kamel Dafri : Le Point Fort est implanté dans un quartier en plein renouvellement, celui du fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). D’ici à 2025, des logements, des commerces et des groupes scolaires vont y voir le jour. C’est un lieu qui a une histoire. Le fort a été bâti au XIXe siècle. Après, c’est devenu une casse automobile. En 1984, c’est là que s’est déroulé le premier festival de hip-hop. Il y a donc un patrimoine historique et culturel important. Notre association est implantée à proximité depuis plus de vingt ans et en 2017 on nous a proposé de prendre part à son réaménagement sur le plan culturel. Nous avons été nommés « scène conventionnée et d’intérêt national musiques et danses du monde ». Cela crée déjà un socle.
En termes d’espaces, comment s’organise le Point Fort ?
Nous avons une grande halle, de facture Eiffel, où se déroule actuellement le festival Babel Mômes, ainsi qu’un chapiteau. En 2022 s’y ajouteront deux pavillons – avec notamment une cafétéria et une ludothèque musicale – ainsi que quatre casemates pour accueillir du coworking ou des répétitions.
Quels seront les points forts du Point Fort ?
Pour l’instant, les gens ne peuvent venir que quand il y a des événements. À terme, l’idée est de permettre des pratiques libres, par exemple le hip-hop ou les sports urbains comme le basket 3×3. À partir de mars prochain, nous accueillerons notre programmation musicale « Douce France », en écho à l’exposition proposée au CNAM. Il y sera question de métissage culturel. L’idée est de créer un lieu pour les cultures populaires, celles qu’on regarde trop souvent de loin ou de haut. Or elles ont besoin d’espaces. Nous voulons être une place forte pour les patrimoines populaires d’ici et d’ailleurs.
Est-ce que votre implantation n’est pas aussi une façon de « glamouriser » le site ?
Notre mission est de valoriser les personnes qui y habitent. On parle ici d’un des quartiers prioritaires de la politique de la ville les plus décriés. Nous n’avons pas vocation à valoriser du foncier mais à faire en sorte que les aménageurs tiennent compte de l’histoire des habitants. Il ne faut pas être dans une approche naïve. Si on veut faire changer les choses, il faut s’y coller plutôt que se la raconter dans son salon. Contrairement à certains commentateurs, la réalité de ce quartier, je la regarde en face. Il ne faut pas oublier que nous sommes là depuis 25 ans.
Comment allez-vous intégrer les habitants pour ne pas faire un lieu hors-sol ?
Intégrer les habitants est une question obsessionnelle pour l’association, depuis longtemps. Nous savons qu’on ne naît pas public, qu’on le devient. D’où la création de parcours vocaux pour les enfants et les ados. Nous allons nous redéployer sur le territoire d’Aubervilliers. Nous avons obtenu l’agrément de l’Éducation nationale qui nous permet de développer des dispositifs dans les classes. On sait que c’est par les minots qu’on peut réussir à faire venir les parents. Nous sommes aussi en discussion avec la CAF pour mettre en place un centre social musical.
Le quartier devrait sortir de terre en 2025. Allez-vous rester en place ensuite ?
On bougera peut-être d’un chouïa mais la volonté affichée est de nous garder dans le quartier. Après, à nous d’être bons durant les années qui viennent. Mais ce sera difficile de nous déloger !
Infos pratiques : le Point Fort, 174, avenue Jean-Jaurès, Aubervilliers (93). Accès : métro Fort d’Aubervilliers (ligne 7). Plus d’infos sur lepointfort.com
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13 décembre 2021 - Aubervilliers