Quel était le but de la « Grande parade » qui a eu lieu en Seine-Saint Denis pour les JO le 23 juin dernier ?
Wael Sghaier : Porté par la MC93, le projet associait en tout huit lieux culturels de Seine-Saint-Denis afin de parler d’olympisme de façon un peu différente. Chaque lieu a travaillé avec des artistes (danseurs, circassiens, musiciens…) ainsi que des habitants du territoire. C’était l’occasion de faire cohabiter des mondes qui ne se parlent pas forcément. C’était aussi l’occasion de profiter de l’énorme coup de projecteur des JO sur la Seine-Saint-Denis pour montrer qu’il existait aussi des lieux culturels de ce côté-ci du périphérique. Cette parade aura nécessité au final deux ans de travail et d’ateliers.
Qu’est-ce que ce projet souhaitait montrer ?
C’était l’occasion de faire connaître la relation entre les artistes et les habitants mais aussi avec ces lieux culturels que l’on dit parfois déconnectés du territoire. Comme ce projet a duré deux ans, j’ai pu montrer que sur le long terme il est possible de réaliser de grandes choses en impliquant les habitants et en à des arts jugés parfois inaccessibles. Le temps long est la clé de bien des réalisations !
Qu’est-ce qui vous a touché particulièrement ?
La relation entre artistes et jeunes de ce département m’a vraiment marqué. J’espère que je suis parvenu à illustrer la façon dont la construction de cette parade s’est faite horizontalement. Je veux dire par là que les artistes et les jeunes ont vraiment travaillé ensemble à la réalisation de cet événement. Nous sommes à mille lieues de l’image de l’artiste qui crée loin du terrain. Le 23 juin fut juste la face émergée de l’iceberg ! On découvre des personnages comme Maelice, qui suit un cursus « théâtre » au lycée Louise-Michel de Bobigny. Des anciens de ce cursus ont d’ailleurs leur compagnie à la MC93. C’est important de montrer qu’il se passe énormément de choses culturellement dans le 93. D’ailleurs Maelice le dit dans l’une des interviews : « Le théâtre, ce n’est pas que pour les Parisiens ! »
Au-delà de la parade, vous avez choisi de réaliser des portraits de certains des participants…
Oui, car j’avais envie qu’ils puissent être fiers d’eux. Je suis heureux de savoir qu’ils ont apprécié ce qui est ressorti de nos échanges. Ce film m’a permis de donner la parole à des jeunes généralement invisibilisés et de mettre en avant le service public. Plusieurs m’ont d’ailleurs rapporté qu’ils étaient heureux qu’on aperçoive aussi le travail du collectif. Il y a eu une vraie relation de confiance qui s’est instaurée, cela a facilité les choses. Samba le dit, perché sur son cheval pendant la parade : ils ont rarement la chance d’être valorisés. C’est un peu l’essence même de mon travail que de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas, faire le pas de côté pour changer le regard. J’avais envie de montrer que la Seine-Saint-Denis réinvente l’olympisme sous le prisme de ses propres codes.
Quel est l’héritage qu’ont laissé les JO à la Seine-Saint-Denis ?
Je crois qu’on n’a pas assez de recul pour le voir. Mais on ne peut nier l’émulation que cela a créé. Et puis, pour certains jeunes comme Namizata, ce sont des souvenirs gravés à jamais [elle a porté la flamme, Ndlr]. On peut dire que les JO ont su créer de la fierté et de l’enthousiasme chez les jeunes mais, de manière générale, je ne sais pas encore quel sera l’héritage des JO pour le territoire. Je peux juste constater que, pendant un été, je n’ai lu pratiquement que des articles positifs sur le 93. Il faudra voir sur le long terme… Quand on y vit, on sait déjà que c’est un territoire accueillant, solidaire, sportif et fier. Les JO ont juste permis de le montrer à tous.
Infos pratiques : « On ne va pas se défiler », réalisé par Wael Sghaier. En replay sur france.tv jusqu’au 8 mai 2025.
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14 novembre 2024