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Avec « We are here », le street art s’invite entre les collections du Petit Palais

Une oeuvre d'Invader au-dessus du "Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d'hiver" de Claude Monet dans le cadre de l'expositon "We are here" au Petit Palais / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris
Une oeuvre d’Invader au-dessus du « Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver » de Claude Monet dans le cadre de l’expositon « We are here » au Petit Palais / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris

C'est une première. Avec « We are here », le Petit Palais à Paris expose une trentaine de street-artistes de renom qui prennent place au milieu des collections permanentes. Une exposition gratuite qu'est allée voir Virginie Jannière pour Enlarge your Paris.

Du spray sous les dorures. Exposer de l’art urbain au Petit Palais (8e) au milieu des statues antiques, des scènes de bataille de Delacroix et du mobilier Louis XV : en voilà une drôle d’idée. Il y a quelques années encore, cette initiative aurait sans doute été balayée d’un revers de la main. Depuis, le street art a pris sa place dans le monde de l’art. A Paris, la galerie Itinerrance (13e), à qui l’on doit entre autres la Tour Paris 13  ou le Boulevard Paris 13, n’y est pas pour rien.

« Cela fait vingt ans que la Mairie de Paris suit avec attention tout ce que l’on fait. Je crois que le public comme les institutions sont désormais mûrs pour accepter une telle exposition », se réjouit Mehdi Ben Cheikh, directeur de la galerie et co-commissaire de l’exposition au Petit Palais. Une première en tout cas pour l’institution réputée pour sa collection prestigieuse accessible gratuitement. Le casting de « We are here » lui aussi est prestigieux avec entre autres Shepard Fairey, alias Obey, Invader, Seth, Cleon Peterson, Vhils (qui vient d’inaugurer une immense fresque dans la nouvelle station de la ligne 14 à Orly) ou encore Inti et Conor Harrington.

Arrivée devant le Petit Palais, je m’étonne pourtant de constater que rien n’indique la présence de l’exposition. Me serais-je trompée ? Le Petit Palais n’assumerait-il pas ? Très vite, en haut de la première volée de marches, un grand spray avec de petites ailes apparaît, clin d’œil aux détournements irrévérencieux de D*Face.

Entre deux sculptures de la collection permanente, je découvre Ak-47 Lily et Ak-47 Lotus, deux tableaux représentant des fusils d’où sortent des fleurs réalisés par Obey, artiste mondialement connu depuis 2008 et son affiche Hope pour la campagne de Barack Obama. Plus loin, ce que je prenais pour une statue guerrière d’un chevalier à l’épée se révèle être en réalité une oeuvre de Cleon Peterson, Echoes of Tomorrow, qui fustige ici les représentations glorifiantes des régimes autocratiques. « Il s’agit de se laisser embarquer d’une pièce à l’autre et de chercher les œuvres, un peu à la manière d’une chasse aux trésors », m’explique Mehdi Ben Cheikh.

"We are here" est à voir jusqu'au 17 novembre / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris
« We are here » est à voir jusqu’au 17 novembre / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris

Dialogue entre chefs-d’œuvre du musée et street-artistes

Plus loin, je découvre La Tour de Babel de l’artiste Seth, une pile de livres surmontée d’un petit personnage tout en rondeur à la tête plongée dans un plafond arc-en-ciel, une critique de la place que prennent les écrans. « Les livres ouvrent des portes sur les mondes imaginaires. Ils sont une sorte de secours qui nous permet d’échapper au quotidien », peut-on lire sur le cartel. Je découvre ensuite des bustes d’Élisabeth II et de Beethoven surmontés d’ailes et aux langues tirées signées D*Face. « Nous avons demandé aux artistes de jouer avec les collections du Petit Palais. Je crois qu’elles apportent un autre regard sur les œuvres des street-artistes. Et inversement ! », confie Mehdi Ben Cheikh.

Dans une salle, l’artiste portugais Vhils joue avec des affiches découpées formant un visage de vieille femme qui fait écho à l’oeuvre bouleversante de Fernand Pelez, Sans asile (1883), portrait d’une mendiante avec ses enfants. Après avoir découvert des détournements de Napoléon signés Seth au-dessus de quelques tableaux d’époque glorifiant l’empereur, j’aperçois un « Space Invader » surmonté d’un petit soleil placé au-dessus du Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver de Claude Monet. Presque étrangement, les deux œuvres se répondent parfaitement.

Pour clore la déambulation, le « Salon », alias la salle Concorde, se veut un hommage au légendaire premier « Salon des refusés » de 1863 qui accueillait les artistes avant-gardistes exclus des cercles académiques. Ainsi, du sol au (très haut) plafond, se trouvent exposées les œuvres d’une soixantaine d’artistes des quatre coins du monde. Je m’y attarde, me laissant embarquer par la multitudes de détails et de clins d’œil à la pop culture et à l’histoire de l’art. Un tel salon des refusés, ça ne se refuse pas !

Infos pratiques : exposition « We are here » au Petit Palais, avenue Winston Churchill, Paris (8e). Jusqu’au 17 novembre. Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h. Entrée libre. Accès : métro Champs-Élysées Clemenceau (lignes 1 et 13) et Franklin D. Roosevelt (lignes 1 et 9) / gare des Invalides (RER C). Plus d’infos sur petitpalais.fr / Mais aussi : exposition Shepard Fairey, alias Obey, « Swan Song » à la galerie Itinerrance jusqu’au 15 juillet, 24, boulevard du Général Jean-Simon, Paris (13e). Du mardi au samedi de 11 h à 19 h. Entrée libre. Accès : métro Bibliothèque François Mitterrand (ligne 14). Plus d’infos sur itinerrance.fr

Le « Salon », qui clôture l'exposition "We are here" / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris
Le « Salon », qui clôture l’exposition « We are here » / © Virginie Jannière pour Enlarge your Paris

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