Il vous reste une petite quinzaine de jours pour visiter, au cœur de la basilique Saint-Denis, une expo qu'à la rédaction nous avons beaucoup aimée. Avec « La Trêve », Sophie Comtet Kouyaté propose sa vision fantasmée et enlevée des Jeux de l'Antiquité avec, dans les premiers rôles, habitants du 93 et athlètes.
À l’entrée de la basilique de Saint-Denis, Eiréné se dresse, majestueusement. Figure immaculée de 3,50 m de haut, son nom signifie « paix » en grec. Des bulgommes, un abat-jour, des gants de chantier, des perles fantaisie constituent la tenue de cette installation imaginée par Sophie Comtet Kouyaté. Le bas de la robe est constitué de centaines de petits mots laissés par les visiteurs, à la manière d’ex-voto. Cette œuvre inaugurale synthétise finalement assez bien la démarche de l’artiste, géniale touche-à-tout à la fois photographe, réalisatrice qui, toujours hantée par son passé de costumière, travaille également le textile : magnifier ce qui peut sembler quotidien.
Cupidon à Saint-Denis
Voici donc « La Trêve », exposition proposée dans le cadre de l’Olympiade culturelle par Sophie Comtet Kouyaté, en dialogue avec la dramaturge Marie-Astrid Adam. « Durant les Jeux antiques, rappelle l’artiste, les cités hellènes stoppaient, le temps de la compétition, les conflits incessants qui les opposaient. Cette notion de trêve me semblait entrer en résonance avec ce qui se passe aujourd’hui. » Avec son studio mobile, Sophie Comtet Kayouté a donc parcouru les rues de Saint-Denis et d’Aubervilliers et a proposé aux habitants de les portraiturer en héros de sa vision onirique des premiers Jeux olympiques. Des athlètes ont également participé au projet, à l’instar du joueur de basket fauteuil Mamady Traoré en lice pour les JOP, ou de la pentathlonienne Rébecca Castaudi. « J’arrive avec des corbeilles de tissus et je compose les costumes sur place, raconte l’artiste. Je suis un peu comme une pie : j’amasse tout ce que je trouve… » L’arc du petit garçon représenté en Cupidon ? Découvert dans une maison de campagne. Le bouclier ? Fait à partir de moulures d’un plafond. La toge ? Des draps aux plissés savamment agencés.
Un hommage à une ville-monde
En découlent des photographies et des costumes donnant à voir une Antiquité troublante. Inexacte sur le plan historique mais qui, pourtant, allume dans le cerveau du spectateur des signaux qui font que cette période est parfaitement reconnaissable. « Je ne suis jamais aux pieds de l’Histoire, reconnaît Sophie Comtet Kayouté, toujours en décalage. À la limite entre le beau et le kitsch. » Les temps s’entremêlent à l’image de ces sandales trouvées… sur le marché de Saint-Denis. Saint-Denis, d’ailleurs : l’exposition se lit aussi comme un hommage à toutes les facettes de cette ville-monde, à son art du système D, aux gisants de sa basilique, mais aussi à ses habitants. Comme ce jeune homme portraituré tel Actéon et dont les bagues dentaires, dans la mise en scène de Sophie Comtet Kouyaté, ressemblent à un bijou. Ou encore cette Pénélope, les doigts sertis de bagues, qui semble attendre Ulysse, perdue dans un sommeil troublé.
Il serait dommage de passer à côté de cette exposition aussi puissante qu’onirique qui se tient jusqu’au 15 septembre. On ne saura que trop vous conseiller d’y aller en nocturne le 6 septembre prochain à 20 h. Ce sera en effet l’occasion d’une visite à la bougie de la basilique et la découverte de « La Trêve » sera ponctuée de lectures de textes écrits par de jeunes Dionysiens sous la houlette de Marie-Astrid Adam. De quoi injecter un peu de poésie dans la rentrée.
Infos pratiques : « La Trêve », exposition de Sophie Comtet Kouyaté, jusqu’au 15 septembre à la basilique Saint-Denis, 1, rue de la Légion d’Honneur, Saint-Denis (93). Tarif : 11 € (le billet donne accès à la nécropole), gratuit pour les personnes handicapées et les moins de 25 ans. Visite en nocturne le vendredi 6 septembre. Accès : Basilique de Saint-Denis (métro ligne 13, tram T1). Plus d’infos et réservations sur saint-denis-basilique.fr
30 août 2024 - Saint-Denis