« Au village sans prétention, j’ai mauvaise réputation, Qu’je me démène ou que je reste coi, je passe pour un je-ne-sais-quoi », chantait Brassens. Évidemment, je ne peux m’empêcher de chantonner La Mauvaise Réputation en me rendant au bois de Boulogne (16e) en ce matin ensoleillé d’automne. Qu’on le veuille ou non, le bois est victime de sa réputation sulfureuse et, lorsque je dis à mes amis que je m’y rends pour un reportage, les rires fusent. On me fait aussi remarquer que ce bois ne vaut que pour la Fondation Vuitton et le Jardin d’acclimatation, qu’il est plat et sans intérêt, si ce n’est pour les balades en barque un rien kitschounes…
Pourtant, avec ses 850 hectares (soit 2,5 fois Central Park à New York) et ses lacs, cet espace vert XXL doit bien posséder quelques atouts paysagers qu’on connaît mal (ce que laisse d’ailleurs subodorer une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme publiée en 2020)… Après être sortie du métro Boulogne–Jean Jaurès, je marche dans des rues tranquilles – voire endormies – avant de me retrouver dans le bois sans même m’en rendre compte. C’est parti pour une boucle d’une dizaine de kilomètres. Je longe d’abord l’hippodrome de Longchamp au milieu d’immenses étendues d’herbes qui laissent la vue dégagée sur le mont Valérien (Hauts-de-Seine) qu’on aperçoit au loin.
De lacs en sous-bois
Au bout d’une allée, je découvre une romantique cascade devant laquelle trône un superbe cèdre du Liban planté en 1862 (c’est un panneau qui me l’a soufflé). Si l’adulte que je suis ironise sur l’aspect désuet de cette cascade, la petite fille qui est en moi se réjouit néanmoins de pouvoir passer dessous comme dans un conte de fées. Ma balade se poursuit le long du lac du Réservoir avant de continuer dans des sous-bois qui n’ont rien de sulfureux. Au milieu des feuilles tourbillonnantes pourpres et dorées, je longe un ruisseau pendant une petite demi-heure, tout en croisant de nombreux promeneurs de chiens (le fait d’ailleurs que le bois ne soit pas désert permet de se sentir en sécurité).
Quelques rencontres me donnent le sourire, comme cette très vieille dame qui effectue son jogging (bravo madame !) avec une mise en pli parfaite. Il ne faudrait pas oublier que nous sommes tout près des quartiers les plus chics de la capitale.
Le secret le moins bien caché du monde
Après cette incursion forestière, me voici à la pointe nord du lac Inférieur. Tous les clichés du bois de Boulogne y sont réunis (excepté celui classé X, totalement invisible en cette matinée) : les fameuses barques et les cygnes sont bien en place, entourés par le ballet des joggeurs et des promeneurs de chiens. Je profite de l’horizon, pas si courant à Paris. Le bruit des voitures qui empruntent les avenues environnantes se fait de plus en plus discret à mesure que je chemine autour du lac. Je me retrouve vite seule face aux fameux cygnes, canards et même quelques cormorans échappés de la Côte de Granit rose. J’aperçois un héron à quelques mètres de moi en pleine partie de pêche. La bande-son se compose du chant des oiseaux, du clapotis de l’eau et du bruit sourd des foulées des joggeurs.
Après de longues minutes à méditer, je reprends mon chemin. Je parviens à l’extrémité sud du lac et reviens tranquillement jusqu’à mon métro. Je pense à Central Park (New York), aux jardins de la Villa Borghèse (Rome) ou encore à Hyde Park (Londres). Souvent, j’ai envié ces capitales qui me semblaient plus vertes. Après plus de 40 ans passés dans le Grand Paris, je découvre enfin concrètement les attraits du bois de Boulogne, sans doute le secret le moins bien caché du monde : c’est toujours tout droit en sortant du métro.
Infos pratiques : l’itinéraire emprunté par Virginie Jannière est à retrouver sur visorando.com
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17 novembre 2023 - Paris