Vous organisez des promenades pour enseigner les usages des plantes sauvages qui poussent partout, y compris en ville. Pour quelles raisons ?
Nathalie Mondot : J’ai fait des études d’ethnobotaniste, c’est-à-dire que je regarde ce que les êtres humains font avec les plantes un peu partout dans le monde pour se nourrir, pour se soigner ou pour construire leur espace de vie. Et j’essaie de transmettre cette connaissance au grand public en organisant des conférences et des balades, aussi bien en pleine nature qu’en ville. J’habite depuis quatre ans à la Goutte d’or (18e), un quartier parisien très marqué par la pierre et le béton. Pourtant, on peut y trouver de nombreuses plantes au pied des bâtiments ou au bord des trottoirs. Il faut juste apprendre à les voir et à les reconnaître. Une fois qu’on connaît leur nom, on le ne les voit plus comme des mauvaises herbes !
Quels types de plantes trouve-t-on dans le Nord Est parisien ?
Comme un peu partout à Paris, on peut trouver du plantain, de la cardamine, du pissenlit, de la stellaire, de la verveine officinale, du sisymbre, des bourses à Pasteur, des Picris, des sonchus, de la pariétaire, des érigérons, de l’amarante, des galisongas, du chénopode, de l’achillée millefeuille, des laitues vireuses… Ce sont essentiellement de petites plantes qui ont un cycle de vie très court. On trouve aussi quelques arbres qui poussent spontanément, là où il y a un peu plus de sol et moins de passage des voitures, derrière une grille, sur des délaissés, le long des voies ferrées.
Comment ces plantes arrivent-elles à pousser sur les trottoirs ?
Certaines plantes peuvent pousser dans des petits trous, sur de la poussière ou quelques millimètres de terre. Et en mourant, elles se décomposent et créent un sol accueillant pour des graines qui pousseront l’année suivante. C’est ainsi que la nature se réinstalle, petit à petit, et colonise le béton. D’ailleurs, pendant le premier confinement, les agents de propreté sont moins passés et de ce fait une végétation s’est massivement développée dans les rues de Paris. Entre le premier et le deuxième confinement, les plantes sauvages ont colonisé nos trottoirs.
Peut-on les ramasser pour les consommer ?
Certainement pas ! Les animaux domestiques, et parfois les humains, urinent dessus. Et puis le sol est très pollué, sans parler de l’air. En ville, on trouve beaucoup de plantes nitrophiles, c’est-à-dire qui se nourrissent des nitrates comme l’urine. Les orties poussent souvent près des toilettes publiques. D’autres plantes vont absorber les métaux lourds qui sont dans le sol. Les plantes sauvages en ville sont à regarder comme des signes de la vitalité de la nature. Apprendre à les reconnaître permet de voir autrement son environnement.
Pour vous aider à reconnaître les plantes sauvages qui poussent dans votre quartier, Nathalie Mondot a préparé un herbier des villes que voici :
La bardane
La bardane est une plante dont les fruits s’agrippent aux poils des animaux et aux jambes des randonneurs grâce à une multitude de petits crochets. C’est cette caractéristique qui a donné naissance au Velcro inventé par George de Mistral en 1948.
L’arbre aux papillons
Cet arbuste au feuillage caduque, connu sous le nom d’arbre aux papillons, est originaire de Chine. Il s’est progressivement naturalisé en Europe à partir du XIXe siècle. Adapté aux sols pauvres en matière organique, secs et ensoleillés, on le retrouve fréquemment sur les friches urbaines et industrielles ainsi que le long des routes et des voies ferrées.
La vergerette du Canada
La vergerette du Canada est une plante qui se développe dans le moindre interstice. C’est aussi une plante aux vertus médicinales principalement diurétique. Elle permet de soulager les inflammations articulaires.
La pariétaire
La pariétaire, d’apparence fragile, possède des racines si coriaces qu’elles traversent les murailles. Plante médicinale réputée comme diurétique anti-calcul, elle servait aussi à récurer la vaisselle tellement elle est rêche mais aussi car elle est renferme des composants chimiques détartrants.
L’herbe à Robert
L’herbe à Robert a changé plusieurs fois de noms au fil des siècles. Elle s’est notamment appelée « l’herbe aux charpentiers » car elle est réputée antihémorragique et cicatrisante. La couleur rouge de ses feuilles la classe dans la catégorie symbolique des plantes du sang.
Le pissenlit
En France, il y aurait pas loin de 300 espèces distinctes du pissenlit. Bon en salade, ses feuilles sont riches en vitamine C. On peut aussi consommer ses boutons floraux poêlés. Sa racine, très amère crue, perd son amertume une fois cuite à la vapeur.
Le galinsoga
Le galinsoga à petites fleurs nous vient d’Amérique du Sud. C’est une plante résistante à certains herbicides, ce qui explique sa prolifération. Ses feuilles comestibles – sa saveur rappelle celle des topinambours ou de l’artichaut – ont aussi des vertus médicinales.
Les laiterons
Les laiterons parsèment nos rues. Autrefois, ils composaient la salade des champs aux côtés des pissenlits, des parcelles, etc. Ils étaient consommés cuits en potage, les fameuses « soupes aux herbes sauvages », lorsque leurs feuilles étaient devenues trop coriaces.
L’ortie
Quand il n’y avait plus rien au potager, l’ortie composait les potages. La soupe d’ortie est connue de longue date pour sa haute valeur diététique. En ajoutant quelques pommes de terre, la soupe gagnera en consistance.
Le pourpier
Le pourpier, relégué aujourd’hui au rang des plantes adventices, était autrefois cultivé. Consommé en salade, il est riche en vitamine C et en oligo-éléments.
1 décembre 2020 - Paris