Qu’avez-vous pensé du témoignage de cette journaliste américaine sur les piscines municipales parisiennes dans le New York Times ?
Nageuse parisienne : Sa démarche m’a beaucoup parlé. Car, pour découvrir une ville, aller nager dans la piscine municipale du coin est une recette qui fonctionne très bien. On reçoit une foule d’informations à travers l’architecture, l’esthétique du site mais aussi l’ambiance de la piscine, l’accueil, les comportements des nageurs. C’est pourquoi désormais j’ai toujours mon maillot dans mon sac et, dès que je voyage en France ou ailleurs, je vais nager !
« Dis-moi la piscine que tu fréquentes, je te dirai qui tu es » ?
À l’origine, nager est pour moi une démarche de plaisir, plus qu’une démarche sociologique ! Mais, au-delà du bon moment pour soi que représente une séance de nage, la piscine en dit beaucoup sur nous ; et je ne parle pas seulement du bâtiment et de son histoire. Il est fascinant de voir comment on partage cet espace très intime avec des inconnus : on prend sa douche quasiment nu à côté d’hommes et de femmes qu’on ne connaît pas. Et pourtant, grâce à la délicatesse de chacun, ce moment est vécu très naturellement !
Dans vos pérégrinations en tant que Nageuse parisienne, retrouvez-vous ce que la journaliste du Times dit à propos des contradictions et des incivilités des Parisiens ?
Ce qui m’a le plus parlé, c’est sa description des egos dans les lignes de nage. Elle décrit des nageurs un peu mal élevés qui ne vont pas faire attention aux autres ou ne pas se laisser doubler ; c’est très français, et peut-être même encore un peu plus parisien ! J’ai nagé à Londres et les règles sont très claires selon les lignes. Chaque vitesse de nage est indiquée devant chaque ligne. Il n’y a pas de place pour la subjectivité contrairement aux piscines françaises où il subsiste une vision quelque peu romantique qui consiste à penser que la règle n’est pas nécessaire. Force est de constater que cela ne fonctionne pas ! En France, on laisse chacun apprécier sa propre vitesse. Je vous laisse imaginer à quel point certains ne sont pas lucides… J’aimerais d’ailleurs un jour pouvoir publier un guide du « nager ensemble » pour pouvoir imaginer quelques règles, en toute bienveillance. Cela pourrait améliorer l’expérience de tout le monde. Pour autant, il ne faut pas non plus dresser de généralités : la semaine dernière par exemple j’ai nagé dans la piscine de Château des rentiers (13e), la courtoisie entre les nageurs m’a soufflée !
À ce propos, où en êtes-vous dans vos découvertes des piscines parisiennes ?
Lorsque j’ai débuté en 2021, je pensais mettre un an pour découvrir les 41 piscines municipales ouvertes actuellement à Paris. Je me suis tellement prise de passion pour ce sujet, et notamment la partie documentation, que je suis allée beaucoup plus loin. Ce n’est pas une mauvaise chose car je commence presque à appréhender le moment où j’aurai fait le tour de toutes les piscines parisiennes ! Concrètement, j’ai écrit sur 24 piscines municipales parisiennes. Je m’autorise des hors-séries sur des piscines privées comme Molitor (16e) ou Annette K (15e). À chaque fois, je découvre que chaque piscine est une source intarissable d’histoires. Je ne sais pas quand je finirai mais une chose est certaine : la dernière piscine parisienne dont je parlerai sera la piscine Suzanne-Berlioux aux Halles (1er) ; déjà, je procède par ordre décroissant d’arrondissements, et surtout elle est géniale !
Votre compte Instagram a pris de l’ampleur en deux ans et demi… Qu’est-ce qui plaît à vos abonnés hormis vos tests des piscines ?
Évidemment ma communauté rassemble pas mal de nageurs réguliers mais aussi, et cela m’a beaucoup étonnée au début, des personnes qui détestent la piscine ! En réalité, la piscine constitue un véritable petit théâtre, un prétexte pour raconter toutes sortes d’histoires. Dans ce décor qui revient inlassablement – les douches, les lignes de nage –, on peut retrouver des personnages récurrents et des personnages secondaires, des histoires variées, de multiples interprétations autour d’inconnus, sans compter les histoires des nageurs, des architectes… Beaucoup m’écrivent aussi pour me raconter que la piscine cristallise des souvenirs, bons ou mauvais. Parfois, elle représente même un lieu d’angoisse. Certains n’ont pas gardé un très bon souvenir de la piscine, mais c’est toujours intense. Je suis tellement heureuse quand mes récits donnent envie à certains de retourner nager…
Qu’en est-il de votre volonté de nager dans les piscines grand-parisiennes ?
Je vais désormais nager extra-muros ! Je suis allée notamment à Pantin (Seine-Saint-Denis) et à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Ces piscines sont moins fréquentées que les piscines parisiennes, donc cela me donne une bouffée d’air à chaque fois. Une fois que j’aurais terminé de parler des piscines parisiennes, je compte bien me pencher sur ces piscines en périphérie de la capitale. J’ai d’autant plus hâte de le faire qu’elles possèdent généralement des histoires fascinantes. Parler des piscines va certainement m’occuper jusqu’à la fin de ma vie !
Avez-vous des projets de publications ?
J’ai autoédité récemment un carnet intitulé La Mémoire de l’eau sous le pseudo Napa, un diminutif de mon nom sur Instagram. C’est un objet très intime qui parle de mon rapport à l’eau et à la nage, nourri de photos personnelles. Sur le compte Instagram, je reste anonyme, je me raconte peu. Dans ce carnet, je me dévoile un peu plus. Faire tout ce travail sur les piscines m’a permis de me rendre compte que mon émancipation était passée par l’eau. Concernant mes textes sur les piscines, je réfléchis actuellement à leur donner une forme papier, mais rien n’est arrêté pour le moment.
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12 octobre 2023 - Paris