Comment se prépare-t-on mentalement à affronter des distances comme le 50 km marche ?
Yohann Diniz : En général, je commence ma préparation un an avant l’épreuve. Je suis fixé toute l’année sur la date de la course et mon entraîneur et moi-même calons des sessions d’entraînement qui viennent me faire prendre conscience de l’échéance à venir. Je me souviens d’ailleurs, juste après avoir remporté les championnats du monde en 2017 à Londres, que mon cerveau s’est tout de suite mis à penser à l’après en planifiant un nouvel objectif. S’agissant plus spécifiquement du mental, je travaille beaucoup le lâcher-prise grâce à la sophrologie. J’effectue des exercices au quotidien qui se rapprochent un peu de l’imagerie mentale, c’est-à-dire que je visualise des bonnes et des mauvaises sensations auxquelles je tente d’apporter une réponse pour que le jour de la course je sois en mesure de surmonter toutes les situations.
Comment faites-vous pour vous conditionner à tenir mentalement et ne pas craquer durant une course ?
J’essaye de me mettre dans une bulle pour faire rentrer le moins possible d’émotions. Et je pense au parcours étape par étape, et non au 50 km qui m’attendent. Tout mon entraînement mental doit me permettre durant la course de répondre de manière positive à tout imprévu. C’est par exemple la foule qui peut être déstabilisante ou au contraire se montrer stimulante. J’essaye au maximum de rester concentrer sur mes objectifs et les différentes étapes. Parfois, les moments les plus difficiles sont quand je me retrouve à effectuer un combat seul contre la distance, comme aux championnats du monde de 2017 où au bout du 20e kilomètre je suis largement devant le peloton.
Vous souvenez-vous d’un moment où vous avez failli lâcher et où votre mental vous a permis de tenir ?
L’exemple le plus probant est certainement les Jeux olympiques de Rio en 2016. J’étais au plus mal physiquement mais j’ai quand même réussi à me relever et à repartir. Mon seul but était de franchir la ligne d’arrivée coûte que coûte. Il fallait que je poursuive le combat. Je ne pouvais pas abandonner car ces Jeux devaient être les derniers pour moi et parce que le Brésil est la terre d’origine de mon grand-père. J’ai terminé la course en transe. Il n’y avait plus que mon cerveau pour me guider. J’étais complètement ailleurs, à tel point que l’on m’a indiqué à un moment de la course que j’étais en sens inverse. J’ai dû faire demi-tour pour repartir dans le bon sens. Je compte bien prendre ma revanche et me dépasser une dernière fois aux JO de Tokyo en 2021 avant de prendre ma retraite.
Comment abordez-vous l’épreuve du confinement sur le plan mental ?
Je dois dire que ce n’est pas très difficile. Nos aïeux ont connu bien pire avec un stress beaucoup plus fort et des moyens de communication limités. Aujourd’hui, nous avons quand même un confort qui nous permet de vivre relativement bien. Nous avons en plus à notre disposition toute une palette d’outils numériques pour rester connectés et s’évader. De mon côté, je continue à garder un rythme d’entraînement assez important étant donné que la saison reprendra une fois que la pandémie sera derrière nous.
2 avril 2020