Artdevivre
|

Fermées, les Puces de Saint-Ouen se secouent quand même

Les Puces de Saint-Ouen sont actuellement fermées au public / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris
Les Puces de Saint-Ouen sont actuellement fermées au public / © Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Ils voient passer habituellement 5 millions de visiteurs par an venus du monde entier. En attendant de pouvoir rouvrir, certains puciers de Saint-Ouen vont au devant du chaland sur les réseaux sociaux.

Drôle d’ambiance à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Sur la rue des Rosiers qui longe les différents marchés des Puces, seul le disquaire est ouvert. Tout comme les libraires, le commerce a été reconnu « commerce essentiel ». Pour le reste, c’est rideau (de fer). Les Puces de Saint-Ouen sont à l’arrêt. Sur la devanture de Marcel et Jeannette, stand de vêtements vintage, les propriétaires ont tracé, au blanc de Meudon, des bâtons comme autant de jours de fermeture depuis le premier confinement. D’autant que s’il leur a été demandé de fermer, les salles des ventes, elles, ont eu l’autorisation de rester ouvertes. « Ça a mis tout le monde en colère, raconte un pucier. Il faut dire que par rapport aux restaurateurs qui ont des syndicats très forts, nous on est inexistants. » Malgré tout, certains puciers continuent leurs activités via Instagram, leurs sites web ou des market places virtuelles, « mais pour les plus âgés, ce n’est pas évident », soupire l’un d’eux. Marché Vernaison – l’un des onze marchés que comptent les Puces- Enlarge your Paris est allé à la rencontre de certains de ces commerçants que vous pouvez retrouver en ligne, en attendant de pouvoir les rencontrer en vrai…

Eva, la femme aux bijoux

« J’ai été à bonne école« , reconnaît Eva. Avec une mère dans les bijoux et un père dans les instruments anciens, tous deux détenteurs de stands aux Puces, « j’ai eu le goût a priori bien formé« , estime-t-elle. Sa petite échoppe consacrée aux bijoux anciens située dans le marché Vernaison le confirme. Ici, une sublime broche de 1925 en nacre et argent. Là, une broche en forme de libellule ou un camé. Ses pièces, elle les achète depuis 32 ans au coup de coeur avec un credo : « jamais de copie« . Chez elle, les clients japonais raffolent des bijoux Art Nouveau, les Américains font main basse sur les chaînes du XIXe. « En revanche, ils n’aiment pas trop les bijoux en cheveux« , note-t-elle. On pense avoir mal entendu. Eva sort alors de sa vitrine un sautoir tressé dans une authentique chevelure datant de Charles X. « Quand l’or partait au canon, il fallait bien trouver d’autres matériaux ! » A chaque pièce son histoire. Car Eva aime raconter. « Mon métier, ce n’est pas juste acheter et vendre. Sinon, je vendrais des frigos ! » Elle se réjouit d’ailleurs de compter dans sa clientèle une jeune génération, sensible au vintage, « qu’on ne voyait pas avant« . Et les encourage : « N’hésitez pas à poser des questions, à demander. Moi je dis « welcome » aux jeunes !« . En attendant, elle a rédigé une pétition réclamant la réouverture des marchés d’antiquités et de brocante. « On est un des maillons de la chaîne et quand un des maillons casse, ce n’est pas bon… » Jusque dans ses métaphores, l’amour des bijoux la poursuit.

Infos pratiques : Retrouvez Eva au Marché Vernaison, stand 153, allée 799, rue des Rosiers, Saint-Ouen (93) et en attendant sur Instagram

Puces de Saint-Ouen
© Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Arnaud, en verre et contre tout

Une pichenette de l’ongle sur le rebord du verre et… « Diiiing »… Le visage d’Arnaud s’illumine : « Vous entendez ? Le son du cristal de Baccarat, Saint-Louis ou Saint-Lambert, c’est particulier… » Le brocanteur repose soigneusement le verre dans sa vitrine, à côté des dizaines d’autres sortis des cristalleries les plus prestigieuses. Il désigne une coupe à champagne. Une des trouvailles dont il est le plus fier. « Quand j’ai mis la main sur ces coupes gravées, j’avais le pressentiment que c’étaient de belles pièces. Mais j’ai mis six mois de recherche pour avoir la preuve que c’était du Baccarat. Avant 1936, les pièces n’étaient pas signées. » Dans sa boutique, on trouve aussi bien des verres, des meubles que des luminaires : « Je trouve que ça en jette. Quand vous marchez, vous regardez en hauteur, pas au sol ! Alors la lumière, c’est important« , plaide-t-il en désignant un lustre italien des années 70. En attendant la réouverture, Arnaud s’appuie sur le Net pour poursuivre son activité, « un bon complément au business en physique« , admet-il. Mais qui ne remplace pas le plaisir de parler en vrai avec les clients.

Infos pratiques : Retrouvez Arnaud au Marché Vernaison, allée 7, stand 129, 99 rue des Rosiers, Saint-Ouen (93), et en attendant sur Facebook et Instagram

Puces de Saint-Ouen
© Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Paméla, les petits plats dans les grands

Son arrière-grand-mère était chiffonnière, son grand-oncle avait déjà un stand aux Puces. Et aujourd’hui, Paméla travaille avec son père au Marché Vernaison. Son truc à elle ? La vaisselle. Un goût qui vient de loin, quand, petite, elle ouvrait de grands yeux devant « Aux verres de nos grand-mères », une boutique du marché Biron. Sauf qu’aujourd’hui, « les gens ne veulent plus les gros services comme avant. Et les réseaux sociaux ont développé leur oeil. » Du coup, place aux pièces dépareillées qui ont la cote depuis trois, quatre ans. Chez Paméla, une assiette à dessert décorée d’oiseaux exotiques côtoie ainsi une du XIXe siècle sur laquelle est peint un rébus. « Après le premier confinement, les gens avaient besoin de beau, note-t-elle. ils venaient ici en se disant, « on va acheter des verres, parce que les nôtres sont vraiment trop moches« . Pour celle qui travaille « à 80% avec l’étranger« , le Net permet de pallier l’absence de visiteurs. En attendant, elle continue de se rendre à sa boutique. « Sinon, ça me manque trop. »

Infos pratiques : Retrouvez Paméla au Marché Vernaison, allée 7, stand 134-136, 99 rue des Rosiers, Saint-Ouen (93) et en attendant sur Instagram et riconti-antiquites.com

Puces de Saint-Ouen
© Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Fabien, fan de Mad Men

Dans une autre vie, Fabien était étalagiste et concevait les vitrines de grands magasins. Il a depuis changé de vie, mais on sent qu’il reste quelque chose de l’ancienne quand on pénètre dans sa boutique « Scandinave et vous ». Spécialisée dans le mobilier nordique, l’échoppe donne le sentiment d’être propulsé au coeur de la Villa Arpel du film Mon oncle de Jacques Tati. Cela réjouit l’intéressé : « avec la série Mad Men, c’est ma référence. J’ai vraiment essayé de recréer un appartement au coeur de la boutique« . Mission accomplie. Enfilades en palissandre ou en teck, fauteuils danois avec accoudoirs en cannage, étagère modulable à double face… Les lignes pures du design scandinave trouvent ici un havre de choix. « Par rapport à du neuf, à qualité égale, je suis bien moins cher. Je me suis fait un réseau avec des gens qui chinent pour moi au Danemark ou en Suède. C’est un mobilier qui convient bien aux petits espaces parisiens. Les bureaux, les tables et les fauteuils ne sont pas trop imposants. » On zyeute le bar en Formica sur lequel est disposé un ensemble de pique à bulots en forme de notes de musique, reposant sur une portée en fer forgé. « Sur Internet, on ne peut pas recréer le décor de la même façon« , constate celui qui s’est mis sans grande passion à la vente en ligne. « Je préfère que les gens voient, touchent ce qu’ils vont acheter. » 

Infos pratiques : Retrouvez Fabien au Marché Vernaison, allée 3, stand 108 bis, 99 rue des Rosiers, Saint-Ouen (93) et en attendant sur Instagram

Puces de Saint-Ouen
© Joséphine Lebard pour Enlarge your Paris

Lire aussi : Nos adresses fétiches à Saint-Ouen

Lire aussi : Des légumes aux fripes, on livre tout en vélo-cargo

Lire aussi : Une boutique en ligne commercialise les créations des artistes du 93