Artdevivre
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Celui qui aime sucrer les fraises

Vous cherchiez une occasion de ramener votre poiredans cette ville cossue du 9-3 ? On en a trouvé une qui passe crème...

Il s’appelle Matthieu Bijou. Mais, promis, on n’écrira pas que sa pâtisserie, « c’est du travail d’orfèvre », que « sa boutique est un écrin » ou tout autre jeu de mot qui induirait le champ lexical de la joaillerie. On fait aussi l’impasse sur « les choux de Bijou qui nous mettent à genoux », même si c’est un peu vrai. Tout simplement parce que ce jeune pâtissier passé par Taillevent et Michel Rostang mérite mieux que des calembours dont même l’almanach Vermot saurait se passer.

Pourtant, avouons-le, au début, nous étions sceptiques : il y a un peu plus d’un an, Matthieu Bijou ouvrait son magasin au Raincy, après avoir participé à « Qui sera le prochain grand pâtissier ? », le programme de France 2 formellement déconseillé aux diabétiques. L’avenue de la Résistance – l’artère commerçante de la ville –  bruissait de cette gloire télévisuelle qui, si elle en affriolait certains, avait plutôt tendance à nous décourager (ce n’est pas parce qu’on habite en Seine-Saint-Denis qu’on n’a pas le droit d’être snob !).

Mais nos résistances justement furent vite vaincues. Un soir d’été, les douceurs de Matthieu Bijou passèrent, lors d’une conférence de rédaction, le test implacable des papilles de l’équipe d’Enlarge : pâtes de fruits justement dosées en sucre et plaquettes de chocolat noisettées avec justesse enjaillèrent une soirée évidemment studieuse.

Cheesecake myrtille et chantilly lactée à la banane

Parce qu’abus d’investigation ne nuit pas, rendez-vous est pris dans sa boutique. Entre un cheesecake à la myrtille, un autre pomme/kiwi, une « Tentation » (chocolat au lait/ passion/ framboise) irrésistible, une « Douceur » (crémeux au caramel/ croustillant praliné/ chantilly lactée à la banane) qui ne demande qu’à caresser notre palais, nous avons demandé une explication de texte.

« Je ne cherche pas nécessairement à mettre en avant le design, explique Matthieu Bijou. Ce qui m’importe : le goût, les produits, la longueur en bouche et une certaine harmonie. Il faut qu’on sache ce qu’on mange. Par exemple, pour un baba, il ne faut pas que le client ait l’impression d’avoir vidé un verre de rhum. Je n’ai pas peur non plus d’y aller dans les épices. Ma tarte aux fraises, je l’associe à du poivre de Sechuan. Ma cerise, je l’associe à une purée de framboise. Il faut trouver la valeur ajoutée au produit. »

Prions Saint Honoré !

Il a beau avoir écopé du label « vu à la télé », Matthieu Bijou fait l’économie des expressions toutes faites comme « revisiter un produit », le « sublimer » et le piment d’Espelette n’a pas été abordé au cours de notre conversation. En revanche, il est intarissable sur ses fournisseurs : sa vanille, il la commande à Alain Abel, producteur/affineur/récolteur réputé de Tahiti. Pour ses purées de fruits, il s’en remet à Ponthier, établissement corrézien quasi septuagénaire. Les noisettes, elles, viennent du Piémont.

Matthieu s’interrompt pour offrir aux clients qui patientent un échantillon de sa dernière création : un chocolat au… cumin. Pendant ce temps, Marie, qui travaille à ses côtés, explique patiemment (et sans doute pour la dixième fois de la journée) la composition des nouvelles pâtisseries proposées en vitrine. « Je travaille sur la saisonnalité et l’envie, explique le jeune homme. Je veux continuellement du changement. » Effectivement, pour y être revenus plusieurs fois, nous nous devons de dénoncer un énorme turn-over… des gâteaux proposés.

En sortant de la boutique de Matthieu Bijou, vous pouvez pousser, quelques centaines de mètres plus haut jusqu’à l’incroyable église du Raincy, réalisée, tout en béton armé, par les frères Perret. Histoire de vous faire pardonner l’absorption d’une religieuse au caramel beurre salé. D’ailleurs, rien ne vous interdit à cette occasion de prier Saint Honoré…