Sécurité routière : pour sauver des vies, privilégions le vélo !
Rachel Aldred, University of Westminster et James Woodcock, University of Cambridge
Dans le cadre d’une étude réalisée pour le secrétariat britannique aux transports, nous avons comparé le risque d’être blessé lorsque vous pédalez, conduisez une voiture ou marchez. Nos travaux révèlent que les motards présentent le risque de décès le plus important, suivi par les piétons et les cyclistes. Ceux qui circulent dans des camionnettes, des bus ou des camions semblent les plus en sécurité.
Mais cela ne livre que la moitié de l’histoire. Si notre analyse des données a dévoilé le danger auquel les motards sont eux-mêmes exposés sur la route, elle établit également qu’ils représentent une menace considérable pour les autres. Par kilomètre, ces deux-roues tuent deux fois plus d’autres personnes que la voiture. Par ailleurs, la majorité – plus de huit sur dix – des morts à vélo surviennent lorsque le cycliste est percuté par un véhicule motorisé. Dans la plupart des cas, ce n’est pas tant pédaler en soi qui tue, mais bien la collision avec des véhicules plus lourds et plus puissants.
Notre nouvelle recherche établit le nombre de décès causés à des tiers selon le type de véhicule. Nous avons également examiné comment le genre de la personne au volant ou à vélo affectait le nombre de personnes tierces tuées. Notre analyse calcule les décès infligés aux autres usagers de la route par milliard de kilomètres en Angleterre, selon le type de véhicules utilisés. Il s’agit de calculer le nombre de morts à partir d’une quantité donnée de voyages effectués. Il n’inclut pas les décès de passagers dans des accidents n’impliquant qu’un seul véhicule.
« Conduire une voiture tue trois fois plus de personnes par kilomètre que pédaler à vélo »
Les résultats révèlent par exemple que conduire une voiture tue trois fois plus de personnes par kilomètre que pédaler à vélo. Utiliser la bicyclette pour des trajets courts, au lieu de prendre le volant, pourrait donc sauver des vies. Presque un cinquième (18 %) des kilomètres parcourus en voiture le sont ainsi dans le cadre d’un trajet de moins de 8km. Imaginons que la moitié de ces trajets soient désormais réalisés à vélo. Dès lors, nous remplaçons 9 % de la distance actuellement parcourue en automobile sur des autoroutes par des trajets à bicyclettes sur des routes secondaires, ce qui représente 14 milliards de km par an. Nos données montrent que la voiture provoque chaque année 619 décès de personnes tiers. Une diminution de 9 % des kilomètres parcourus devrait donc se traduire par 56 décès de moins par an.
L’occupation moyenne d’une voiture est de 1,6 personne, ce qui implique 22 milliards de kilomètres de plus parcourus à vélo annuellement si l’on fait la transition. C’est cinq fois plus que les niveaux actuels qui sont très bas. Les Pays-Bas, dont la population représente un tiers de celle de l’Angleterre, ont réussi à accumuler 15,5 milliards de kilomètres à vélo en 2016.
« Une augmentation substantielle de l’usage du vélo aurait des avantages majeurs en matière d’activité physique »
Sur la base des taux calculés précédemment, on peut s’attendre à ce que 22 milliards de kilomètres parcourus à bicyclette entraînent 27 décès supplémentaires par an. Au total, ce passage de la voiture au cyclisme se traduirait par 29 décès de moins par an.
Il existe de nombreuses raisons de soutenir cette transition. Une augmentation substantielle de l’usage du vélo aurait des avantages majeurs en matière d’activité physique. L’outil « The impacts of cycling », qui calcule les avantages de l’activité physique pour la santé, suggère qu’une multiplication par cinq du nombre de cyclistes pourrait prévenir plus d’un millier de décès prématurés chaque année en Angleterre.
Nos travaux s’intéressent également aux différences entre hommes et femmes. Malgré la vieille croyance selon laquelle ces dernières seraient de mauvaises conductrices, la recherche révèle que leurs homologues masculins ont davantage de comportements contraires à la sécurité routière. Par exemple, ils se montrent plus enclins à la vitesse que les femmes. L’égalité de genre croissante en matière de conduite de la voiture a pu contribuer à réduire les blessures routières, bien que cela soit encore peu étudié.
Malgré cela, les hommes demeurent majoritairement, et de façon disproportionnée, au volant des véhicules les plus dangereux. Au moins 90 % des conducteurs de camionnettes ou de bus sont des hommes, tout comme 95 % des chauffeurs de camion. Si un conducteur ou un passager de camion peut être en sécurité dans sa grande boîte métallique, ceux qui se trouvent à l’extérieur du véhicule le sont beaucoup moins. Chaque kilomètre effectué en camion cause plus de six fois plus de décès que chaque kilomètre en camionnette.
« Les hommes représentent un danger bien plus élevé que les femmes »
Nos recherches ont calculé l’impact que le genre avait sur les morts de tiers. Pour 5 des 6 modes de transports, les hommes représentent un danger bien plus élevé que les femmes. Dans le cas des bus, le risque par kilomètre associé aux chauffeurs masculins était plus important, mais la différence n’était pas statistiquement signifiante.
Du fait des données limitées dont nous disposons, nous ne pouvons pas être aussi sûrs des résultats pour les transports commerciaux et de service public. Cependant, les risques liés aux voitures, aux motos et aux vélos – pour lesquels les données sont meilleures – révélant un écart fort entre les sexes, il est probable qu’un tel écart existe aussi pour les véhicules plus lourds, bien que l’on en ignore l’ampleur exacte.
Nous avons calculé comment un partage égal de la distance parcourue par les hommes et les femmes en camionnette et en camion influerait sur les décès. Sur les onze années de notre analyse, la parité hommes-femmes pour la conduite de camionnettes impliquerait 343 morts de moins infligés à des tiers et 866 décès de moins pour la conduite de camions. Cela suggère qu’il y en aurait environ 100 morts de moins par an si la répartition des conducteurs de camionnettes et de camions était paritaire, et non confiée aux hommes à plus de 90 % comme c’est le cas aujourd’hui.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original
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25 août 2020