Olivier Razemon est journaliste spécialiste des transports. Cet article est tiré de son blog « L’interconnexion n’est plus assurée » sur lemonde.fr
La couleur des panneaux de signalisation a été choisie avec soin pour correspondre à celle de la ligne de métro correspondante : jaune citron pour la ligne 1 est-ouest, fuchsia pour la ligne 4 nord-sud. Ce mercredi 10 juin, deux des pistes cyclables temporaires (les « coronapistes ») qui traversent Paris de part en part pour décharger le métro, ont été balisées.
Les panneaux, rectangles plastifiés, indiquent la ligne, la direction, les étapes intermédiaires, et arborent un V comme « vélopolitain ». 331 exemplaires ont été posés dans la soirée à chaque carrefour important par 8 équipes sur le mobilier urbain, les feux rouges et les lampadaires à l’aide de tiges en plastique dur. Ce travail n’a pas été réalisé par les services de la mairie de Paris, mais par les militants de l’association Paris en selle, bénévolement.
Un accord officieux de la Ville de Paris
« La mairie nous a donné son accord officieux », indique Jean-Sébastien Catier, président de l’association depuis le 10 mai. Le balisage n’est pas officiel, mais y ressemble. A ceci près que les panneaux sont moins robustes que s’ils étaient en métal et que certains passants pourraient l’assimiler à de l’affichage sauvage. « Nous faisons le boulot qui incombe normalement à la mairie », résume un autre militant.
Le balisage d’un réseau cyclable est essentiel. Aux Pays-Bas, il est par exemple assuré dans tout le pays par des inscriptions rouges sur fond blanc. A Budapest, un cycliste, béret et écharpe, s’affiche en jaune sur fond vert.
Si les habitués connaissent parfaitement leur chemin, les « néo-cyclistes », sans parler des visiteurs de passage, n’ont pas forcément cette perception. Tout le monde ne s’oriente pas de la même manière. Certains d’entre nous savent instinctivement où se trouve le nord, d’autres se repèrent grâce aux boutiques ou aux cafés (« vous prendrez à gauche après la boulangerie »), d’autres encore consultent en permanence le GPS que nous avons au creux de la poche et que nous alimentons volontairement de diverses données.
Mais quand on est en train de pédaler, on n’a pas forcément l’envie ni le loisir de regarder son téléphone. Et tout le monde ne possède pas l’un de ces vélos vendus fort cher équipés d’un « tableau de bord » permettant de poser son téléphone, voire d’un GPS intégré. Enfin, pour l’association, cette opération est aussi l’occasion de « célébrer ces nouveaux aménagements et de améliorer leur visibilité dans l’espace public », indique Jean-Sébastien Catier.
Reste à savoir pourquoi la mairie de Paris n’a pas procédé plus tôt à ce balisage. Sans même parler des « coronapistes », les premiers éléments du « plan vélo » (voté en 2015 à l’unanimité du conseil de Paris), n’ont jamais été dotés de panneaux de direction. Depuis trois ans, à chaque fois qu’ils sont interrogés sur le sujet, les élus expliquent que ce sera bientôt fait.
Des associations qui montrent le chemin aux élus
Jean-Sébastien Catier tente une explication. « Idéalement, il faut harmoniser la signalisation dans toutes les villes de la région parisienne, cela demande une concertation longue et complexe », dit-il. Paris en selle, qui n’a pas oublié d’apposer son logo sur les panneaux, considère que l’opération du 10 juin est l’occasion de prouver que ce jalonnement est nécessaire, et de « montrer comment cela doit être fait », souligne le président de l’association.
Ce n’est pas la première fois que les associations de cyclistes montrent le chemin aux élus. Les militants, qui ont souvent une vision globale de la ville parcourue en pédalant, savent parfaitement où se trouvent les carrefours anxiogènes, quels itinéraires sont les plus agréables et quels aménagements seraient nécessaires pour améliorer la sécurité.
En 2017, à Lyon et Nantes, des opérations visaient à protéger les bandes cyclables sur lesquelles étaient stationnées des voitures (« j’en ai pour 5 minutes »). En 2012, à Toulon, des militants dessinaient des fausses pistes cyclables afin d’interpeller la collectivité locale sur la nécessité d’en matérialiser des vraies.
En décembre 2019, la FUB, qui réunit les associations françaises, présentait une carte collaborative sur laquelle figurent les rues qui, dans chaque ville et d’après les observations des usagers, sont les plus anxiogènes. Beaucoup d’élus ont compris que ces militants exigeants constituaient des alliés utiles.
Les chroniques d’Olivier Razemon sont à retrouver sur son blog « L’interconnexion n’est plus assurée » sur lemonde.fr
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11 juin 2020 - Paris