Ensemble ils ont fondé le Voyage métropolitain, une association qui organise tous les mois une randonnée dans la périphérie du Grand Paris. Nous avons déjà marché plusieurs fois avec eux. Cette fois, nous leur tendons le micro, alors que samedi ils chemineront d'Orly à Antony.
Jens Denissen est un jeune urbaniste-paysagiste qui travaille à cheval entre l’agglomération trinationale de Bâle et la métropole parisienne. Quand on l’interroge sur ses centres d’intérêts, il évoque « les questions que pose la périphérie. » Léa Donguy, qui se présente comme « géographe – urbaniste, formée à l’université, et éternelle étudiante », étudie et travaille sur les questions culturelles et artistiques dans les espaces publics, en lien avec les politiques territoriales.
C’est quoi, le voyage métropolitain ? Quel en est l’objectif ?
Léa & Jens : Ensemble, nous avons fondé le Voyage métropolitain à l’été 2014. Depuis, nous organisons un voyage par mois [Nous avons participé à plusieurs de ces marches, NDLR]. Le voyage métropolitain est une association qui regroupe des urbanistes, des ingénieurs, des paysagistes, des graphistes, tous amoureux de la marche. On la considère comme un observatoire, un outil privilégié de découverte des territoires qui sont proches de chez nous et souvent méconnus.
Mais au-delà de la simple volonté de mettre un pied devant l’autre, expérience déjà enrichissante, on essaye de créer un espace de dialogue et de partage, un espace public en somme, itinérant qui encourage la réflexion sur ce qu’on voit, ce qu’on sent, ce qu’on expérimente, sur ce qui nous entoure. Le voyage métropolitain se veut aussi un outil d’aménagement territorial, qui part de l’expérience sensible, de ce qui est déjà là, afin de construire un récit collectif et partagé là où les territoires sont souvent fragmentés.
Et plus concrètement ?
Assister à un voyage métropolitain…
… c’est s’étonner de l’existant, de l’ordinaire, du quotidien – mais aussi le questionner
… c’est introduire une dimension sensible, affective et émotionnelle dans le rapport aux territoires,
… c’est considérer tous les lieux, tous les espaces, sans hiérarchie,
… c’est aller à la rencontre des personnes qui habitent et surtout construisent au jour le jour, leur cadre de vie,
… c’est donner et recevoir, c’est partager et réfléchir ensemble,
… c’est aussi transgresser les règles parfois et interroger nos propres limites territoriales, esthétiques, culturelles, physiques etc…
Dans un contexte de réforme territoriale et politique, avec la création du Grand Paris et les transformations que va connaître la région francilienne, tous ces points nous paraissent essentiels pour que chacun soit à même de comprendre ce qui est à l’œuvre dans ce vaste et divers territoire.
Samedi prochain, pour votre 11e voyage, vous organisez une balade vers et à Rungis. Pourquoi ? Quel est l’enjeu ?
Nous avons monté ce voyage en partenariat avec l’Ifsttar (l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) et c’est avec eux que nous avons choisi d’explorer cet endroit. Rungis est un territoire particulier. Il regroupe des plateformes logistiques de grandes tailles, il rassemble et redistribue tout ce que nous consommons, il est particulièrement hostile aux marcheurs, il est fonctionnel… et pourtant, il est fascinant. Au-delà de ces particularités, il se trouve quelque part dans un territoire dont les spécificités sont gommées par une activité dominante de logistique urbaine. Mais nous n’en dirons pas plus, venez donc marcher avec nous !
Qui vient à vos voyages ? Quel est l’apport de la marche ?
Les voyages sont ouverts à tout le monde, tous les curieux, tous les aventureux, tous ceux qui souhaitent se poser des questions sur leur environnement ou mieux le connaître. Pour le moment, nos fidèles sont surtout des personnes qui s’intéressent, de près ou de loin, à la ville et à son fonctionnement : urbanistes, paysagistes, architectes, géographes, sociologues etc… De tous âges, ils nous accompagnent courageusement, toute une journée, et parfois deux jours, sur 15, 20, 25 ou 30 km. Nous partageons des repas, des nuits, des impressions, nos vies. Au fur et à mesure des voyages, nous affutons ensemble notre regard et nous construisons notre propre géographie du Grand Paris. C’est ce que permet la marche !
11 octobre 2015