En partenariat avec le 19M
« Une collection sans broderies est une fête sans feu d’artifice ». La phrase, pourtant saisie au vol dans une archive télévisuelle diffusée dans la nouvelle exposition de la Galerie du 19M (19e), ne doit rien au hasard. Le lieu, qui regroupe les maisons d’art de Chanel, a en effet décidé d’honorer l’une d’entre elles : Lesage. Spécialisée dans la broderie et le textile, elle fête cette année son centenaire. Loin d’un hommage compassé, l’exposition, qui se déroule jusqu’au 5 janvier, démontre au contraire l’extraordinaire inventivité de la maison qui, tel un habile funambule, fait preuve d’un parfait équilibre entre préservation des traditions et innovation.
Pour en révéler l’histoire, on en dévoile notamment les petites histoires, comme celle de cette étonnante poupée des années 20. Riche en superstitions, le milieu de la couture a ses gris-gris. À chaque moment difficile, pour contrer le sort ou amener du travail, la figurine se voyait ornée d’un nouvel élément. À voir la poupée, finalement assez peu garnie, on se dit que Lesage a su traverser les années sans trop de périls. À travers un contenu audio inédit, on est propulsés au siège historique de Lesage, rue de la Grange-Batelière à Paris (9e), un « capharnaüm merveilleux », comme le dépeint son directeur artistique, Hubert Barrère.
Une plongée en 3D dans l’art de la broderie
Quant à l’installation vidéo de l’artiste Romain Cieutat, elle nous plonge en 3D au cœur de différents motifs de broderies. Un motif perlé devient ainsi un vaisseau spatial. À l’image, les fibres d’un morceau de tweed ressemblent à un étrange paysage. La dimension organique des tissus coupe le souffle. On peut en dire de même des pièces qu’on découvre ensuite, notamment les tailleurs Chanel de la collection 3D (2015-2016) piquetés de strass et d’argent, conférant une dimension résolument rock à ces classiques de la maison.
On suit également l’élaboration d’une veste Balenciaga (1962-1963) qui permet de comprendre la méticulosité du travail des brodeuses obligées de tisser à l’envers et donc à l’aveugle. Les croquis présentés en contrepoint des vêtements permettent de réaliser combien Lesage donne vie aux rêves les plus fous des créateurs. À l’instar de la veste Iris de Saint Laurent (printemps/été 1988), réplique brodée de la fameuse toile de Van Gogh. Ou de cette incroyable tenue Jacquemus imaginée pour une reine mondiale de la pop (on vous laisse découvrir laquelle).
Une rivalité oubliée
Car Lesage n’a rien de la maison fossilisée dans son passé. Au contraire, l’exposition montre combien elle aime s’acoquiner avec de jeunes créateurs dans le domaine de la mode, de l’ameublement mais aussi de l’art. On reste ainsi bouche bée devant la gisante imaginée par l’artiste Jeanne Vicérial. Du tissu noir tressé qui l’habille jaillissent d’étonnantes broderies, tenant tout à la fois des organes que d’un paysage sous-marin merveilleux.
Logiquement, les pièces Chanel sont à l’honneur dans l’exposition. Parmi celles-ci, difficile de ne pas s’extasier devant les tenues inspirées par les paravents de Coromandel, prisés par Gabrielle Chanel. Pour autant, elles naissent dans l’imagination de Karl Lagerfeld et Virginie Viard, deux des ex-directeurs artistiques de la maison. De son vivant, Gabrielle Chanel n’a pas souhaité collaborer avec Lesage. En cause : sa grande rivale de l’époque, Elsa Schiaparelli, se fournissait chez Lesage. Une sublime robe de mariée en tweed (2013-2014), dentelles, rubans et tubes d’argent témoigne du fait que, depuis, les noces entre Chanel et Lesage ont été consommées de la plus belle des façons. Et qu’entre les deux, les vœux ne cessent d’être renouvelés.
Infos pratiques : exposition « Lesage, 100 ans de mode et de décoration », à la Galerie du 19M, 2, place Skanderbeg, Paris (19e). Jusqu’au 5 janvier. Ouvert du mercredi au vendredi de 11 h à 18 h, les samedis et dimanches de 11 h à 19 h. Gratuit sur réservation. Accès : métro Front Populaire (ligne 12), tram T3b arrêt Porte d’Aubervilliers, gare de Rosa Parks (RER E). Plus d’infos sur le19m.com
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22 octobre 2024 - Paris