« Nous voulons sortir le Châtelet de sa prison dorée au cœur de Paris et casser ainsi son image élitiste. » Des mots prononcés ce 3 mars par Thomas Lauriot dit Prévost, directeur général du Théâtre du Châtelet, depuis le centre de création des Magasins généraux à Pantin (Seine-Saint-Denis), où la vénérable institution présentait sa saison 2020-2021.
Pour l’occasion, elle avait convié près de 200 élèves de primaire de Pantin et Paris pour s’initier aux claquettes, danser au son des percussions africaines et fabriquer des bombes végétales. Une manière de s’arrimer encore un peu plus dans le Grand Paris alors que plusieurs spectacles à l’affiche de la prochaine saison ont été créés grâce à des ateliers organisés dans le 93, à l’image du Vol du Boli avec l’ex-Blur Damon Albarn et le cinéaste Abderrahmane Sissako ainsi que Les Justes d’Abd Al Malik.
Une adaptation de la pièce d’Albert Camus que le rappeur a mise en scène avec cinq filles et cinq garçons castés à Aulnay-sous-Bois et âgés de 16 à 23 ans. « Nous avons déjà fait 15 représentations au Châtelet, avec près de 70% de jeunes dans la salle. La preuve que lorsqu’une programmation sait s’adresser à tous, cela fonctionne, se réjouit-il. C’est aussi une manière de dire qu’il n’y a aucun lieu de culture inaccessible et qu’une institution comme le Théâtre du Châtelet est là pour faire rayonner l’élitisme partout. »
La culture partout et pour tous
Partout jusque dans des lieux où on ne l’attend pas comme les piscines de Seine-Saint-Denis et de Paris où seront proposés des ateliers de marionnettes aquatiques dans le cadre du spectacle Le Rossignol et autres fables, qui verra la fosse d’orchestre du Châtelet immergée sous 7000 litres d’eau en février 2021. « Il est important que la culture irrigue les lieux du quotidien pour nouer un dialogue avec le public le plus large possible en allant à sa rencontre », plaide Thomas Lauriot dit Prévost. Ce qui fait écho d’une certaine manière à Gabriel Garran, fondateur du théâtre de la Commune à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et pour qui « l’avenir du théâtre appartient à ceux qui n’y vont pas. »
Une démocratisation que pourrait notamment permettre les Jeux olympiques de 2024 à Paris et dans le 93 dixit Ruth Mackenzie, directrice artistique du Châtelet et qui fut chargée du volet culturel des JO de Londres en 2012. « Ce qui dure, c’est l’héritage culturel, assure-t-elle. A l’occasion des Jeux de Londres nous avons lancé « Unlimited », le plus gros festival au monde pour les artistes handicapés et qui continue d’être organisé aujourd’hui. Le parc olympique est en outre devenu l’un des quartiers culturels les plus importants du Royaume-Uni. »
« Dans nos sociétés fracturées, la culture a un rôle essentiel à jouer, ajoute Thomas Lauriot dit Prévost. A l’échelle du Grand Paris, elle peut permettre de faire émerger un récit collectif. » Ce même espoir est caressé par Abd Al Malik. « Il faut que le périphérique devienne une frontière au sens noble et qu’il ne soit plus une frontière psychologique. Il doit cesser d’être un mur pour n’être plus qu’une limite où, de part et d’autre, les territoires expriment leurs singularités. Inspirons-nous de Régis Debray et de son Eloge des frontières pour faire l’éloge des frontières du Grand Paris. » Tout un programme à retrouver dès la rentrée 2020.
Infos pratiques : Retrouvez la programmation de la saison 2020-2021 du Théâtre du Châtelet sur chatelet.com
Cet article est publié en partenariat avec le Théâtre du Châtelet
4 mars 2020 - Paris