Culture
|

L’ancien musée Pierre-Cardin au coeur d’un projet artistique éphémère

L'ancien musée Pierre-Cardin à Saint-Ouen est transformé en galerie éphémère jusqu'en décembre / © Julie Montel
L’ancien musée Pierre-Cardin à Saint-Ouen est transformé en galerie éphémère jusqu’en décembre / © Julie Montel

À Saint-Ouen, l'ancien musée créé par le fantasque couturier Pierre Cardin va bientôt céder la place à une résidence étudiante. Avant que les travaux ne commencent, et en guise de dernier baroud d'honneur, il abrite le projet artistique éphémère "Morpho" qu'a visité la journaliste d'Enlarge your Paris Joséphine Lebard.

On connaît ses classiques… ou pas ! Dans cette artère passante de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), devant l’enseigne qui annonce « Musée Pierre-Cardin », impossible de ne pas avoir une petite pensée pour Marty, le héros de Retour vers le Futur. Dans la VF du film, le personnage féminin pense que Marty s’appelle Pierre Cardin (Calvin Klein dans la VO) parce que c’est le nom qui s’affiche sur l’élastique de ses slips (on vous remet la scène pour vous rafraîchir la mémoire). Car, oui, Cardin, disparu en 2020, était le roi de la licence, du slip au parapluie en passant par le linge de lit… Mais il était surtout un couturier « qui célébrait le futur et la jeunesse », comme le rappelle Jonas Ramuz, le patron de la maison de production d’art Quai 36. Un couturier également victime de « collectionnite aiguë de biens immobiliers », ajoute Edwart Vignot, historien d’art, artiste lui-même et commissaire d’exposition.

D’où ce vaste bâtiment sis dans le 93, dont Cardin avait fait son musée et son showroom. Un espace étonnant de 1 850 m2 avec deux halles surmontées de verrières, une vaste mezzanine et une pièce en sous-sol parcourue de miroirs. Jusqu’au 15 décembre, l’endroit, voué à la démolition et qui sera remplacé par une résidence étudiante, effectue un dernier tour de piste  avec le projet Morpho. Confiée à Quai 36, l’opération accueille non seulement des artistes en résidence mais aussi des expositions dont un accrochage permanent, « À l’âge de Pierre », sous le commissariat d’Edwart Vignot. Sous la halle bleue, on découvre donc Constellation de Jean-Luc Verna : un vaste rideau de velours javellisé sur lequel ont été brodés perles, cristaux Swarovski et sequins. À ses pieds, l’installation de Sarah Jérôme Champs de pensées : des fragments de têtes mythologiques reposant sur l’humus et qui semblent tombés du ciel.

Oeuvre de Jean-Luc Vernat exposée dans le cadre du projet Morpho à Saint-Ouen / © Nicolas Blscak
« Past Knight », œuvre de Jean-Luc Verna exposée dans le cadre du projet Morpho dans l’ancien musée Pierre-Cardin à Saint-Ouen / © Nicolas Blscak

Delacroix et Géricault en guests

Edwart Vignot a aussi donné de sa personne puisqu’il propose deux œuvres tirées de sa collection personnelle et qu’il a mises en scène. Au milieu d’œuvres d’artistes contemporains, on trouve donc une Étude de cheval mort de Géricault – à côté de la toile est projeté un film de Vignot où on voit un cheval prendre la pose exacte du tableau. Quant à son Othello et Desdémone, signé Delacroix et un de ses élèves, il le pare de deux néons et l’accompagne d’une bande sonore mêlant cris d’extase et chants de désespoir.

Au final, ce lieu étonnant renvoie des vibrations à la fois surannées et futuristes, auxquelles les œuvres présentées répondent magnifiquement. Dans la salle aux miroirs, on se perd dans la contemplation des pastels de Nicolas Dhervillers dont les cieux empruntent tour à tour à Turner ou à Poussin, tout en flirtant avec la photographie. Sur la mezzanine, on est happé par Myriade d’Adrien Couvrat, sorte d’étonnant paravent ondulé qui semble vouloir changer de couleur comme de texture selon l’endroit d’où on le contemple. L’esprit de Cardin flotte sur les lieux à travers une fresque hommage signée L’Outsider, ou une série chromatique de Gaël Davrinche qui peut évoquer le fameux nuancier Pantone dont se servait le couturier pour le choix de ses tissus. Quant aux soieries suspendues de Daniela Macé-Rossiter, elles flottent dans l’air comme des pans de robes fantômes. Edwart Vignot a même conçu une pièce spéciale dédiée à Cardin, élaborée à partir d’éléments trouvés sur place comme un vieux parapluie ou un mannequin en plastique. Autant d’installations à la démesure du fantasque couturier !

Infos pratiques : « Morpho », dans l’ancien musée Pierre-Cardin, 33, boulevard Victor-Hugo, Saint-Ouen (93).  Du 16 septembre au 15 décembre. Ouvert samedi et dimanche de 13 h à 20 h. Tarifs : 5 € (plein tarif), 3 € (moins de 26 ans), gratuit pour les habitants de Saint-Ouen. Accès : Métro Mairie de Saint-Ouen, lignes 13 et 14. Plus d’infos sur morpho.quai36.com

Lire aussi : Les friches du Grand Paris qui vont faire parler d’elles en 2021

Lire aussi : L’occupation temporaire des friches, outil démocratique ou nouveau marché ?

Lire aussi : Un roman raconte les folles nuits des friches du Grand Paris