Le projet change, mais les fondamentaux de la Gaîté Lyrique restent-ils les mêmes ?
Vincent Cavaroc : La Gaîté Lyrique va rester un lieu de concerts mais aussi d’expériences sonores et audiovisuelles. La Mairie de Paris a même étoffé le cahier des charges à hauteur de 120 concerts par an. Nous conservons aussi quelques festivals comme le Paris Podcast festival ainsi que le Arte Concert Festival.
Qu’est-ce qui va changer ?
La Ville de Paris a baissé drastiquement notre budget. Pour les cinq ans à venir, nous avons constitué un tout nouvel attelage qui va développer le projet de la « Fabrique de l’époque ». Cette équipe est constituée de cinq partenaires : l’association Arty Farty, tournée vers la jeunesse, la chaîne de télé Arte, le collectif Makesense qui apporte un soutien aux entrepreneurs sociaux, l’association SINGA qui lutte pour l’intégration des réfugiés et migrants et enfin l’éditeur Actes Sud. Fort de ce consortium, nous allons avoir accès à une réserve pléthorique de contenus et d’idées nouvelles. Cette baisse de budget de la Ville va également nous pousser à diversifier notre activité à travers par exemple les bars et la restauration.
Concrètement, comment cela va-t-il se traduire dans vos choix artistiques ?
Nous désirons faire de la Gaîté un lieu du quotidien : un espace où l’on peut venir de 9 h à 23 h et où il se passe toujours quelque chose, avec une offre de bar et de restauration, une boutique culturelle, et même, régulièrement, des actions solidaires comme la distribution de denrées alimentaires et de vêtements. En fin de journée, à 19 h, ce sera le temps des conférences, des rencontres et des projections autour de sujets qui agitent la société, à la manière d’un prime time sorti de l’écran. Tous les jours, la programmation sera ainsi amenée à changer. Enfin, outre les créations du quotidien, nous aimerions instaurer trois saisons thématiques par an avec des cartes blanches autour de courants, de collectifs d’activistes, d’artistes ou de pays. Nous débuterons avec l’Afrique dès la rentrée de septembre et jusqu’à décembre prochain.
Un quart du public de la Gaîté Lyrique était auparavant constitué de jeunes, dont beaucoup venait de banlieue. Comment continuer à attirer ce public ?
Outre la mise en place de quelques espaces en accès libre comme celui consacré aux jeux vidéo, notre programmation quotidienne permettra une plus grande diversité de contenus et de formats dont certains seront clairement tournés vers les jeunes. Côté musique, nous souhaitons par exemple mettre en lumière les talents émergents de la scène rap et hip-hop. Enfin, nos cinq partenaires ne sont pas uniquement des actionnaires. Ils participent activement à notre projet éditorial et chacun possède ses propres cercles parmi lesquels pas mal d’associations du Grand Paris. Cela permet de toucher certains publics qu’on ne pourrait pas toucher seuls.
Vous semblez vouloir démocratiser l’accès à l’art…
Nous souhaitons sortir d’une séparation souvent injuste entre d’une part quelque chose d’un peu sacré, à savoir la création, l’art, et de l’autre le monde de l’action culturelle et sociale. SINGA par exemple nous a appris beaucoup sur les conditions d’accueil des réfugiés, sur ce qu’ils peuvent nous apporter, et l’importance d’inverser le regard : qui apprend à l’autre ? Cet esprit d’inclusion nécessite aussi de rendre le lieu, architecturalement magnifique mais dont la façade peut impressionner, plus chaleureux. Tous les publics ne s’y reconnaissent pas. Il est urgent de savoir accueillir tout le monde. Dès cet été, la Gaîté Lyrique va ainsi se tourner vers l’extérieur avec une terrasse redimensionnée.
Quel programme avez-vous concocté pour ce week-end d’ouverture du 12 au 14 mai ?
Ce week-end nous assumons le fait d’être encore en chantier mais cela ne nous empêche pas de présenter globalement la « Fabrique de l’Époque ». Une vingtaine de propositions formeront ainsi un aperçu de notre projet pour l’année à venir avec des concerts, des podcasts, des conférences, une expo d’un collectif de photographes activistes sur la condition des femmes à travers le monde, un atelier pour les plus jeunes autour du décryptage de l’info, des quiz, une boutique éphémère Actes Sud… Nous avons aussi convié quelques chefs pour compléter le tout.
Infos pratiques : La Gaîté Lyrique, 3 bis, rue Papin, Paris (3e). Week-end d’ouverture du vendredi 12 au dimanche 14 mai. Toute la programmation est à retrouver ici. A partir du 16 mai, ouverture du mardi au vendredi de 9 h à 23 h, le samedi et dimanche de 11 h à 19 h. Accès : métro Réaumur-Sébastopol (lignes 3 et 4), métro Arts et métiers (lignes 3 et 11), métro Strasbourg-Saint-Denis (lignes 4, 8 et 9) / gare Châtelet-Les Halles (RER A, B et D). Plus d’infos sur gaite-lyrique.net
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11 mai 2023 - Paris