Nécropole royale, la basilique Saint-Denis, lancée dans le chantier de reconstruction de sa flèche, fait actuellement l'objet de fouilles archéologiques qui ont permis de mettre au jour plus de 200 sépultures des époques mérovingienne et carolingienne. Ce dont nous parle Ivan Lafarge, archéologue au département de la Seine-Saint-Denis et responsable scientifique de la fouille.
Au moment d’entreprendre ces fouilles, pensiez-vous que vous alliez faire des trouvailles aussi intéressantes ?
Ivan Lafarge : Oui. C’est la raison pour laquelle nous avons eu une prescription de fouilles sans diagnostic. La basilique Saint-Denis est un site historique assez connu, documenté aussi bien par des sources écrites qu’archéologiques. Mais, si on s’attendait effectivement à trouver des choses, on en a trouvé plus que ce qu’on espérait. Nous pensions découvrir environ 150 sépultures. Nous en sommes actuellement à 211 !
Il s’agit de tombes mérovingiennes et carolingiennes. Que vous ont-elles appris pour le moment ?
ILa plus grande partie date en effet de l’époque mérovingienne, soit entre le Ve et le VIIIe siècle. Et nous avons également trouvé une partie moins importante, quoique significative, datant de l’époque carolingienne : entre le VIIIe et la fin du Xe siècle. Pour l’instant, nous n’avons que des indices, donc ce que je vais vous dire ne relève que de l’hypothèse. Ce qui semble apparaître, c’est que, concernant la population inhumée entre le Ve et le VIe siècle, il s’agit plutôt d’une population favorisée. À l’époque, les gens se font inhumer habillés. On a retrouvé des boucles avec des placages en or, des coiffes avec des fils d’or. Il s’agit donc d’une population sinon aristocratique, tout du moins riche. Au cours du VIe siècle, une galerie funéraire a été construite avec des sarcophages. Dans cette partie, nous n’avons pas trouvé de signes d’habillement ostentatoires. Et, a priori, seuls des hommes sont enterrés là. On peut supposer qu’il s’agit de moines. À partir de l’époque carolingienne, les populations sont plus mélangées : on trouve des hommes mais aussi des enfants et des femmes.
Que vont devenir les sarcophages que vous avez mis au jour ? S’agit-il de tous les conserver ?
Certains méritent d’être conservés intégralement. Pour d’autres, on ne conservera que les parties décorées. Et, parfois, à défaut de conserver, on pourra documenter. On va en casser certains pour repérer les savoir-faire, les techniques et leurs évolutions. Concernant les ossements, ils seront emmenés en laboratoire. Ils seront soumis à des études métriques, paléontologiques, en fonction des problématiques posées sur nos connaissances des populations anciennes.
Il a été évoqué une collaboration avec l’université de Harvard autour de la peste justinienne. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ces fouilles sont menées par trois opérateurs. Le département de la Seine-Saint-Denis, la Ville de Saint-Denis et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Et effectivement, mon collègue de l’INRAP, Cyrille Leforestier, est en contact avec Harvard autour d’un projet qui permettrait de voir si, grâce à l’étude de l’ADN, on peut documenter la peste justinienne qui a sévi en Europe entre le IVe et le VIIIe siècle.
Quelles autres recherches l’étude des ossements va-t-elle permettre ?
Elle va permettre de se pencher sur un certain nombre de problématiques habituelles. D’abord, on va pouvoir constituer un état des lieux de la population. On sait que, dans ce cas, comme nous l’ont montré les vêtements luxueux, un tri social assez important a été fait. Nous pouvons donc espérer récolter des informations sur une catégorie sociale bien précise. Mais on va aussi, par exemple, pouvoir regarder de plus près la question de l’alimentation, notamment la part de l’alimentation carnée et de l’alimentation végétale.
Vous devez cesser les fouilles le 17 mai. Êtes-vous dans une sorte de compte à rebours pour avancer au maximum d’ici cette date ?
La date du 17 mai est déjà une rallonge que nous avons négociée. Initialement, nous devions finir beaucoup plus tôt. La bonne nouvelle est que nous avons déjà trouvé beaucoup plus que ce que nous n’espérions et nous sommes sur le point de terminer.
Infos pratiques : plus d’infos sur suivezlafleche.com
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26 avril 2023 - Saint-Denis
