Pourquoi avoir voulu écrire des contes sur la banlieue ?
Joséphine Lebard : J’adore lire des histoires ; j’avais d’ailleurs pris l’habitude de lire les Contes de la rue Broca à mon fils lorsqu’il était plus jeune. Je les trouve intéressants parce qu’ils mêlent le quotidien et le merveilleux et montrent une diversité que l’on trouve encore trop peu dans la littérature jeunesse. J’habite la Seine-Saint-Denis et je déplore que les banlieues soient toujours perçues comme des territoires laids et sans intérêt. Au contraire, les paysages y sont tout à fait étonnants et il est facile d’imaginer l’extraordinaire qui viendrait se glisser dans le réel. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de raconter l’histoire d’une bande d’enfants qui habite une banlieue nommée Vilnouvel. J’ai puisé dans mon environnement direct. Les héros et les héroïnes ont des prénoms des camarades de classe de mon fils. Au total, j’ai écrit cinq contes qui croupissaient jusqu’à présent dans un placard. J’ai pensé que le confinement était le moment idéal pour les lire avec mon fils lors de Live Facebook et Instagram. Pour l’instant, nous avons reçu un bon accueil donc nous allons continuer sur notre lancée.
Quels sont les héros de vos contes ?
J’ai écrit l’histoire d’un farfadet qui a élu domicile sur une zone industrielle pour lutter contre les promoteurs immobiliers. Il y a aussi le récit d’une sirène qui habite dans le fond d’un canal et croise une foule de personnages en remontant à la surface. Enfin, le Petit plateau en plastique rose raconte l’histoire d’une véhémente cantinière qui confectionne des menus infâmes, jusqu’au jour où l’héroïne se voit remettre un petit plateau en plastique rose capable de changer la donne.
Quels messages souhaitez-vous véhiculer ?
Je veux montrer que la banlieue est un territoire où l’imaginaire peut se développer comme nulle part ailleurs tout en restant connecté à la réalité. Les héros de mes contes sont des enfants représentatifs de la France d’aujourd’hui. J’évoque également des enjeux qui échappent aux enfants comme la gentrification.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus en Seine-Saint-Denis ?
Sa mixité ! Le 93 n’est pas encore très gentrifié. A Noisy-le-Sec où j’habite, j’ai la chance de côtoyer au quotidien des personnes issues de tous les milieux sociaux. La solidarité est aussi très présente, encore plus en période de confinement. L’association Solidarité Noisy par exemple fabrique et distribue gratuitement des masques à ceux qui en ont besoin. Autre exemple, une amie a déposé une corbeille de fruits devant ma porte juste par esprit de solidarité. Je suis pleinement consciente que la banlieue peut être dure aussi. Mais elle est aussi beaucoup plus forte. Je suis née dans le 93 et j’y réside toujours. Ce territoire me constitue. Il fait partie de mon quotidien. Je dois dire que j’aime vivre en périphérie, peut-être parce que l’on y perçoit mieux les choses.
Quelle est l’identité du 93 ?
En tant que journaliste, je réalise beaucoup de reportages en Seine-Saint-Denis et, contrairement à ce que certains peuvent en dire, le vivre-ensemble y fonctionne plutôt bien. Le 93, c’est la capacité à se mélanger, à ne pas avoir peur de l’autre et à entretenir la mixité pour ne pas créer des îlots sociaux.
Avez-vous prévu d’écrire de nouveaux contes ?
L’idée est vraiment de continuer la lecture de nouvelles histoires, au moins jusqu’au 11 mai, et de poursuivre sur la durée si possible. Donc je prévois de me remettre à écrire.
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23 avril 2020 - Noisy-le-Sec